Quality Land – Marc-Uwe Kling

Le livre et l’auteur

Vous avez besoin de vous rendre d’un point A à un point B ? Votre assistant numérique personnel vous réserve une voiture autonome. Vous avez des courses à faire ? Un drone de The Shop, plateforme de vente en ligne vous livre avant même que vous n’ayez dressé votre liste. Lassé(e) d’être célibataire ? Ou vôtre relation actuelle ne vous convient plus ? Quality Partner se charge de vous trouver le partenaire optimal, du même niveau que vous. Parce que oui, à Quality Land, les humains sont classés selon un certain nombre de critères, permettant de différencier les « inutiles » des autres par exemple. A Quality Land, tout doit être de qualité et les algorithmes foisonnent pour y façonner un monde où la seule réponse attendue est « OK ». Mais peut-on réellement s’épanouir dans un monde pareil ? Peter Chômeur dont on suit les aventures commence à sérieusement s’interroger sur le malaise croissant qu’il ressent…

Éditions : Actes Sud

Pages : 381

Marc-Uwe Kling est un auteur-compositeur-interprète et écrivain Allemand né en 1982 à Stuttgart. Sa première œuvre Les Chroniques du kangourou (VO un peu difficile à retranscrire) a vu le jour en 2019 et a reçu le Prix de la radio et le Prix du livre audio.

Quality Land et Quality Land 2.0 ont suivi respectivement en 2021 et 2023. (Sources : Wikipedia et quatrième de couverture).

Mon ressenti

Un bon moment de lecture. L’histoire est répartie en « chapitres » sans réelle numérotation. En comptant, on en dénombre à peu près quarante-neuf précédés d’une introduction et suivis d’un épilogue. Ils sont séparés les uns des autres par des pages d’information ou d’anecdotes diverses pour mieux comprendre le fonctionnement de Quality Land.

La narration est faite à la troisième personne et suit essentiellement les aventures de Peter Chômeur, un ferrailleur ; Kiki Inconnue, une sorte d’hacker qu’il rencontrera un peu plus tard ; mais aussi celles de Martyn Comité-Directeur, un membre d’un des deux partis politiques de Quality Land et enfin John of Us, un androïde, candidat à la présidentielle de Quality Land entouré de son équipe. Le ton est drôle, sarcastique à certains moments et la lecture se fait bien grâce aux nombreux dialogues entre les différents personnages.

Et si vous vous demandez pourquoi ces patronymes, il faut savoir qu’à Quality Land, les noms de famille classiques ont disparu. Les hommes portent le nom de l’emploi que leur père occupait lorsque leur femme était enceinte et les femmes celui de la profession de leur mère lorsqu’elle était enceinte.

En ce qui concerne le fond, on comprend très vite qu’on a atterri dans une société à la pointe de la technologie avec des algorithmes qui se chargent de presque de tout. Les hommes ne sont plus nécessaires à certains postes et sont matraqués de contenus/produits abrutissants au quotidien. Par ailleurs, ces derniers sont classés selon un certain nombre de critères définissant des niveaux allant de 2 à 99. En dessous de 10, vous êtes considéré comme un « inutile ». Et le système est fait de telle sorte que cette classification se traduit dans les relations où l’algorithme de Quality Partner vous propose le meilleur parti pour vous selon votre niveau.

Et en parlant d’algorithme, ces derniers finissent par enfermer l’individu dans une réalité qu’il pense être vraie au point de parfois se définir à partir de ce que son environnement lui renvoie comme image. Alors que les algorithmes, bien que très intelligents, demeurent des créations humaines, avec donc de possibles biais.

Autre élément que le récit de Marc-Uwe Kling met en évidence, c’est l’absurdité de la société de consommation. A Quality Land, il est interdit de réparer quoi que ce soit selon « la loi sur la protection de la consommation ». On se retrouve donc avec un tas de machines pas si défectueuses que cela mais dont plus personne ne veut et qui ne savent plus quoi faire. Les retombées écologiques d’un tel fonctionnement n’ont malheureusement pas été soulevées pour moi au cours du récit.

Toujours en parlant de consommation, la monnaie classique a disparu et pour leurs transactions, les humains paient en embrassant des tablettes, des Quality Pad, parce que l’empreinte des lèvres serait considérée comme encore plus personnelle et plus sûre que celle des doigts. Mais en faisant cela, ils donnent accès à des données personnelles que les grandes entreprises du numérique se réservent le droit d’utiliser comme bon leur semble, faisant finalement de leurs consommateurs des produits.

Et pour couronner le tout, Marc-Uwe Kling pousse le bouchon en humanisant presque les machines qui finissent par tenir des discours bien plus censés et cohérents que les humains eux-mêmes, devenus assistés par les machines. C’est par exemple le cas de John of Us, candidat à la présidentielle, lors d’un débat contre son principal adversaire Conrad Cuisinier lorsqu’il dit ceci :

« Le problème de fond, c’est une crise de sens et d’identité. Qu’est-ce qui donnait de la stabilité aux gens autrefois ? Un sens, une identité ? La communauté, la religion et last but not least : le travail. L’argent, cet intermédiaire impersonnel, a anéanti la communauté, la science a déboulonné les idoles religieuses de leur piédestal et l’automatisation a supprimé en outre votre travail. » p. 174

Déclaration à laquelle son interlocuteur n’a opposé que des « faux » à répétition…

Peter Chômeur fait de la peine au départ puis on s’attache à lui et on a hâte de le suivre dans son « combat ». Martyn est exécrable. John of Us fait plus preuve de bon sens que les humains réunis autour de lui. Kiki est énigmatique et enfin big up à l’ensemble des machines secourues par Peter, formant un groupe hétéroclite qui ne manquera pas de vous faire sourire (mention spéciale pour Pink et Roméo).

J’ai juste été par moments perdue par certains concepts du monde technologique (paradoxe de Jevons, lois d’Asimov) évoqués par l’auteur. Et le second degré n’est pas toujours facile à saisir lorsqu’on n’a pas toutes les références.

Bref, je recommande à qui veut passer un moment de détente tout en réfléchissant sur les dérives possibles de notre société consommatrice et ultra-connectée. Surtout en cette période où l’intelligence artificielle a le vent en poupe. Je recommande aussi pour toute personne souhaitant découvrir la dystopie/littérature d’anticipation sans forcément commencer par les classiques ou de la science-fiction à s’arracher les cheveux. Il est disponible ici.

Quant à moi, je vous dis à bientôt pour de nouvelles aventures. Dans l’intervalle, prenez soin de vous.

Bisous.



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A PROPOS

La lecture m’accompagne au quotidien depuis quasiment mon enfance. Passionnée par les auteurs Africains, Afro-descendants et des minorités en général, je ne m’empêche pas d’explorer d’autres horizons lorsque j’en ai envie ou lorsqu’on me le propose. Depuis plus de 5 ans, je partage mon ressenti et mes avis aussi bien par ici que sur Instagram, Facebook et Twitter. Bienvenue, j’espère que la visite vous plaira et n’hésitez pas à me suivre sur mes réseaux sociaux pour plus d’échanges autour des livres. Annette.

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