La vie devant soi – Romain Gary

Le livre et l’auteur

Mohammed, « Momo », vit à Belleville dans un appartement au sixième étage d’un immeuble sans ascenseur. Il partage son quotidien avec celui de plusieurs autres enfants et de Madame Rosa. Madame Rosa qui gère une sorte de pensionnat pour enfants défavorisés. Il voit et entend plusieurs choses au quotidien ; côtoie diverses classes de personnes dont certaines qui « se défendent » pour vivre et est convaincu du droit des « peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Avec ce qui pourrait se rapprocher d’un humour pince-sans-rire ; Momo nous livre les faits et gestes de la communauté dans laquelle il évolue et nous donne une belle leçon sur la capacité à avancer malgré les blessures que la vie peut vous infliger.

Editions : Folio

Pages : 286

Romain Gary, né Roman Kacew à Vilnius en 1914 est un écrivain Français aux multiples casquettes. Il arrive en France à l’âge de quatorze ans et s’installe à Nice avec sa mère. Après des études de droit, il s’engage dans l’aviation avant de finir par exercer le métier de diplomate.

Son premier roman Education Européenne parait en 1945 et lui vaut un grand succès. Sa vie sera ensuite marquée par de nombreuses œuvres et il sera le seul auteur de l’histoire à recevoir deux fois le Prix Goncourt, grâce à l’utilisation d’un pseudonyme, Emile Ajar.

La vie devant soi, écrit sous ce pseudonyme a justement reçu le prestigieux prix en 1975. Romain Gary se suicide en décembre 1980 à Paris après la parution de son dernier roman Les Cerfs-volants. (Sources : notes de l’éditeur, Wikipédia).

Mon ressenti

Touchant. La narration est faite à la première personne par Momo lui-même, un peu comme s’il répondait à des questions que le/la lecteur/lectrice lui aurait posé. Il n’y a pas vraiment de chapitre et on se laisse porter par le ton très innocent, très frais et dynamique de cet enfant. Et pourtant, bien que certains passages soient drôles ; ils n’en demeurent pas moins incroyablement durs.

En effet, très rapidement, on se rend compte que Madame Rosa était une ancienne prostituée, qui prend soin des enfants d’autres prostituées. Elle fait ce qu’elle peut pour éviter les services sociaux qui ne leur seraient pas forcément bénéfiques. En attendant le retour éventuel de leur mère ou l’adoption par une famille, ces derniers sont un peu livrés à eux-mêmes au quotidien.

Momo est le plus âgé de la troupe. Il présente ses compagnons de jeu mais aussi les adultes autour de lui tel que le docteur Katz, Monsieur Driss (gérant de café) ; Monsieur Hamil (sorte de papi qu’il n’a pas eu) ; Monsieur Moussa (l’éboueur) ou encore un certain Monsieur N’da Amédée, (« proxynète » de profession) entre autres.

Momo a parfois du mal à s’exprimer et utilise certains termes à la place d’autres : « habitude » au lieu d’« hébétude » ; « amnistie » au lieu d’ « amnésie ». Cela n’empêche qu’il nous fait réfléchir sur plusieurs sujets tels que l’échec du service public à s’occuper des enfants en situation de précarité ; leur exposition à la délinquance ; les risques du métier de travailleuse de sexe et les efforts de ces femmes pour protéger leur progéniture de ce milieu; la vieillesse, la maladie et la volonté de mourir dignement ; le traitement des personnes âgées dans notre société moderne (abandon par les familles) mais aussi le racisme envers les Noirs et les Arabes. Cela dit, il est aussi question d’entraide dans ces quartiers délaissés par les pouvoirs publics et de l’absurdité des tensions entre Juifs et Arabes au vu de la relation entre Madame Rosa et Momo.

Momo fait preuve d’une lucidité effrayante pour son âge. Et pourtant cela n’est pas étonnant compte tenu des conditions dans lesquelles il vit. Il a été obligé de grandir plus vite que son âge. J’avais mis une certaine distance entre lui et moi au début de ma lecture parce que je trouvais certains passages à la limite du racisme/de la discrimination mais en y pensant, celui-ci ne faisait que redire ce qu’il avait entendu de la bouche des adultes autour de lui. C’était une subtile dénonciation de ces maux qui gangrènent notre société.

J’ai été profondément attendrie vers la fin de ma lecture. Fin qui est d’ailleurs annoncée sur la quatrième de couverture mais qui vous prend aux tripes quand même, tant la détresse de Momo est palpable. J’ai eu la gorge nouée à la lecture des dernières pages et j’avais juste envie de lui faire un gros câlin.  

« Moi il y a une chose que je vais vous dire : ça devrait pas exister. Je le dis comme je le pense. Je comprendrai jamais pourquoi l’avortement, c’est autorisé pour les jeunes et pas pour les vieux (…) Moi je trouve qu’il n’y a pas plus dégueulasse que d’enfoncer la vie de force dans la gorge des gens qui ne peuvent pas se défendre et qui ne veulent plus servir. » p. 264.

En somme, La vie devant soi de Romain Gary mérite tout le bien qu’on en dit. Je vais le garder précieusement dans ma bibliothèque et le ressortirai pour une relecture prochainement. N’hésitez pas à vous rendre dans votre librairie ou votre bibliothèque préférée pour vous le procurer.

Je vous dis à bientôt pour un nouvel article. Dans l’intervalle, prenez soin de vous.

Bisous.



Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

A PROPOS

La lecture m’accompagne au quotidien depuis quasiment mon enfance. Passionnée par les auteurs Africains, Afro-descendants et des minorités en général, je ne m’empêche pas d’explorer d’autres horizons lorsque j’en ai envie ou lorsqu’on me le propose. Depuis plus de 5 ans, je partage mon ressenti et mes avis aussi bien par ici que sur Instagram, Facebook et Twitter. Bienvenue, j’espère que la visite vous plaira et n’hésitez pas à me suivre sur mes réseaux sociaux pour plus d’échanges autour des livres. Annette.

Retour

Votre message a été envoyé

Attention
Attention
Attention
Attention !

Publicités

Allemagne Amadou Hampâté Bâ Amitié Amour Angleterre Autobiographie Bilan Blog Cameroun Changement Chine Colonisation Conflit de Cultures Cultures Africaines Côte d'Ivoire Deuxième Guerre Mondiale Dystopie Elif Shafak Esclavage Etats-Unis Famille Femme France Ghana Guerre Guerre Civile Histoire Immigration Japon Mali Maryse Condé Nigeria Nigéria Noir Philosophie Racisme Roman Contemporain Roman d'anticipation Roman Historique République du Congo Sagesse Ségrégation Sénégal Togo Viol

En savoir plus sur Journal d'une Book Addict

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture