Le ravissement des innocents – Taiye Selasi

Le livre et l’autrice

Kweku Sai, éminent chirurgien d’origine Ghanéenne exerçant dans un hôpital New-Yorkais, est victime d’un licenciement abusif. Comme pris de folie, il abandonne son épouse Folàsadé et leurs quatre enfants : Olukayodé, Taiwo et Kehinde (les jumeaux) et Sadie… L’image de la famille presque parfaite se brise. Plus d’une quinzaine d’années plus tard, Kweku rend son dernier souffle sur sa terre natale. Drame qui résonne comme un coup de tonnerre dans le ciel bleu de l’existence à l’équilibre fragile des cinq autres Sai. La réunion semble inévitable. Profondément marqués par l’absence d’un époux, d’un père ; il s’agira pour cette famille éprouvée, le moment de lever le voile sur son histoire et d’y faire face.

Éditions : Gallimard (du monde entier)

Pages : 384

Taiye Selasi est une romancière, nouvelliste et photographe née en novembre 1979 à Londres. Sa mère est une pédiatre d’origine Nigériane et son père, un chirurgien d’origine Ghanéenne. Ses parents ont divorcé alors qu’elle était encore jeune. Elle a fait ses études à Yale et à Oxford.

Taiye Selasi fait son entrée dans le monde littéraire en publiant The Sex Lives of African Girls dans la revue Granta. Nouvelle qui sera reprise dans le recueil Best American Short Stories 2012.

Le Ravissement des innocents (« Ghana must go » en VO) voit le jour en 2010 mais n’est publié qu’en 2013. L’ouvrage est très bien accueilli et est retenu comme l’un des dix meilleurs livres de 2013 par le Wall Street Journal et The Economist. Il fera partie des finalistes du prix Medicis en 2014.

Taiye Selasi vit aujourd’hui à Rome. (Sources : Wikipedia, Babelio, 4e de couverture).

Mon ressenti

Percutant. Malgré un récit inégal. L’histoire met du temps à démarrer et présente quelques longueurs mais l’autrice réussit à tenir le/la lecteur/lectrice en haleine sur la plus grande partie du récit. Il est divisé en trois parties, elles-mêmes réparties en chapitres mais sans une réelle logique. L’autrice navigue entre le présent et le passé de ses personnages. Ce qui peut parfois égarer le/la lecteur/lectrice. Toutefois, le tout reste cohérent et l’on finit par retomber sur ses pattes.

En ce qui concerne maintenant le fond, Taiye Selasi distille des éléments de personnalité sur chaque caractère au fur et à mesure que l’histoire avance. Ainsi l’on commence par Kweku, le père. Kweku est issu d’une famille plutôt modeste et avait débarqué aux Etats-Unis grâce à une bourse. Comme de nombreux étudiants immigrés Africains, il se sentait investi d’une mission. Il n’avait aucun droit à l’erreur même si sa mère avait au départ désapprouvé son départ. Il travailla donc et devint un brillant chirurgien. Avec Folàsadé, son épouse, ils eurent quatre enfants, ce qui accentuera la pression qu’il se mettait déjà au quotidien. Il avait maintenant une famille et devait leur assurer le meilleur avenir possible. Ainsi, lorsque le couperet du licenciement tomba, il n’eut pas le courage d’affronter son épouse et ses enfants.

J’ai trouvé son comportement lâche et presque égoïste. N’est-on pas une famille justement pour discuter et se serrer les coudes dans ce genre de situation ? Est-ce mieux d’abandonner sa femme et ses enfants qui grandiront donc sans père pour une question matérielle ? Cela dit, je pense qu’il est difficile de lui en vouloir dans la mesure où selon mes déductions au cours de la lecture, il n’aurait pas grandi dans une famille unie au sein de laquelle la communication était la clé. Il a donc fait avec les moyens à sa disposition. Par ailleurs, une fois une réputation ternie, surtout pour un homme Noir naviguant dans un monde essentiellement Blanc, il est difficile de repartir sur de nouvelles bases.

Ainsi Folàsadé se retrouve du jour au lendemain, mère célibataire de quatre enfants, elle qui avait laissé de côté ses études pour suivre son époux et s’occuper de leurs enfants. Elle qui avait une activité professionnelle dont les revenus ne pouvaient couvrir l’ensemble de leurs charges. De ce fait, comme toute mère souhaitant le bonheur de ses enfants, elle aura à prendre certaines décisions qui lui seront reprochées plus tard, notamment par les jumeaux. J’ai apprécié sa force de caractère ; sa connexion presque invisible avec ses enfants ; sa volonté à avancer malgré les embuches sur son parcours de vie ou encore sa façon de vivre sans laisser les regards extérieurs lui dicter sa conduite, une fois revenue sur le Continent.

Olukayodé, « Olu », l’aîné de la fratrie ressemblait beaucoup à son père. Très admiratif de ce dernier, il se lancera également dans la profession médicale, en optant aussi pour une spécialité chirurgicale. On sent que malgré l’acte de son père, il l’avait en estime et en admiration presque jusqu’au bout.

Les jumeaux, Taiwo et Kehinde sont ceux qui m’ont le plus touché. Une surdouée d’un côté, un artiste hors pair de l’autre. Un lien unique, comme beaucoup de jumeaux. Cela dit, ce n’était pas que le fait qu’ils soient jumeaux qui attirait l’attention. Ils avaient aussi hérité des gènes d’une de leurs ancêtres, Caucasienne, avec un savant mélange au résultat esthétique fascinant. Taiwo, souffrira de l’absence de son père, reprochera beaucoup de choses à sa mère et adoptera un comportement presque autodestructeur dont on ne saura la raison qu’en approchant de la fin du récit.

Kehinde quant à lui, aura la possibilité de passer les « derniers » instants avec le père avant la désertion de ce dernier. Il a toujours eu une sensibilité particulière que son père ne comprenait pas forcément mais qu’il encourageait. J’ai eu l’impression que c’est celui qui, en dehors de la benjamine Sadie, a un peu moins souffert de l’absence de leur père. Toutefois, il avait également ses propres casseroles qu’il traînait, plus par rapport à sa relation avec sa sœur…

Enfin, il y a Sadie, diminutif et déformation de Folàsadé, petite dernière ayant toujours eu le sentiment de ne pas être à sa place dans cette fratrie d’individus brillants. Etant très jeune au moment de l’abandon du foyer par son père, elle n’en avait gardé que des souvenirs assez flous. Néanmoins, comme Kehinde, elle avait aussi son lot de difficultés. Sentiment d’incompréhension et d’infantilisation de la part de la mère ; préférence parentale supposée pour Taiwo avec qui il était difficile de construire une relation ; absence de réelle « ambiance familiale », de réel « foyer », etc.

Et pourtant, elle était tout aussi brillante que ses frères et sœurs. Sa mère l’aimait tout autant que les autres. Comme pour les autres Sai, il faudra cette réunion autour du décès de son père pour qu’elle puisse s’ouvrir et trouver sa vérité.

En somme, je recommande. Certes, il faut s’accrocher au début et la fin n’est pas spectaculaire mais le cheminement de tous ces individus vaut le détour. Puis les éléments culturels instillés par l’autrice au fur et à mesure du récit y apportent une touche particulière pour moi qui suis de la côte Ouest-Africaine et qui ai quelques notions similaires dans ma culture. J’ai globalement passé un bon moment de lecture. Il est disponible ici si vous souhaitez vous le procurer.

Sur ce, je vous dis à bientôt pour un nouvel article. D’ici là, prenez soin de vous.

Bisous.

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