La prophétie des Sœurs-serpent – Isis Labeau-Caberia

Le livre et l’autrice

Naïlah est une jeune Parisienne de 16 ans, envoyée comme d’habitude en vacances auprès de sa mamie Renée en Martinique. Funmilayo est une jeune prêtresse Yoruba, dont la nuit la plus importante de sa vie virera au cauchemar. Nonoum est une adolescente Kalinago, promise à la vie de chamane avant même qu’elle ne le sache. Enfin, Rozenn est une Bretonne sans le sou, rejetée par ses pairs en raison de son physique disgracieux. Sans rapport apparent, le cours de la vie de ces quatre filles se verra chamboulé par un étrange lien les unissant, jusqu’à les réunir à la même époque pour tenter d’enrayer le cours de l’histoire, ou du moins ses conséquences…

Éditions : Slalom version numérique

Pages : 399

Isis Labeau-Caberia est née en 1991 en Martinique. Elle est diplômée du bachelor en sciences sociales ainsi que du master de droit de Sciences Po Paris. Elle a également étudié la sociologie de la race et du genre, ainsi que l’anthropologie des nations et du nationalisme à l’université Columbia de New York.

La Prophétie des sœurs-serpent est son premier roman. Elle est basée entre Fort-de-France, Londres et Paris. Son parcours est impressionnant et je vous laisse le découvrir sur son site internet www.isislabeaucaberia.com duquel proviennent ces quelques lignes.

Mon ressenti

Un bon moment de lecture. L’autrice alterne les différents points de vue entre les quatre protagonistes : Naïlah, Funmilayo, Rozenn et Nonoum. L’action se déroule en 2016 initialement pour Naïlah avant qu’elle ne rejoigne les trois autres filles au 17e siècle (1658 pour être précise). La plume de l’autrice est adaptée à un public jeunesse, surtout dans cette ère où les anglicismes sont partout. Naïlah en use et en abuse et avant de lever les yeux au ciel, je me suis rappelée que j’étais en train de lire une œuvre jeunesse, chose qui ne m’était pas arrivée depuis bien longtemps.

En ce qui concerne le fond maintenant, les thèmes abordés sont divers mais ont pour fond principal l’histoire passée et moderne de La Martinique. Les questions d’amitié, de loyauté, de sororité, d’estime de soi, de confiance mutuelle, mais aussi de colorisme et d’urgence climatique/écologique sont fortement représentées. Bien sûr, la colonisation et l’esclavage ne sont pas en reste, notamment dans les vécus de Nonoum, de Funmilayo et de Rozenn, qui elles vivent vraiment au 17e siècle.

Chaque personnage a son caractère et apporte quelque chose à l’histoire.

Naïlah est une lycéenne mal dans sa peau, faisant déjà face aux questions de discrimination raciale et qui a manqué de figure Noire positive ou plutôt militante dans son entourage. Son histoire permet de mettre en avant l’évolution que peut vivre la jeunesse Antillaise, née en métropole, qui redécouvre ses racines et qui se les approprie. Son vécu à notre ère moderne permet également à l’autrice d’aborder le scandale du chlordécone, sur lequel les Autorités Françaises en métropole ferment les yeux depuis bien trop longtemps. Elle est admirable pour son dépassement de soi.

Funmilayo, quant à elle, est une jeune prêtresse Yoruba, dédiée au culte d’Oshun, enlevée par les Amazones du Dahomey et revendue aux négriers. Déportée vers les Antilles, elle se retrouve sur une plantation où elle sera rapidement repérée comme possédant des connaissances médicinales. Avec elle, on assiste à la déshumanisation dont étaient victimes les esclaves de l’époque. Déshumanisation où même le fait de prendre soin de ses cheveux et de les porter dans leur glorieuse beauté pouvait passer comme un affront envers les « maîtres ». Elle s’est battue pour conserver son nom, car qui perd son patronyme, perd son identité. Malgré tous les mauvais traitements, elle réussira à conserver un peu d’espoir et à garder un cœur pur dans ce monde de noirceur.

Nonoum, est une jeune Kalinago, peuple autochtone d’Ioüanacaéra, nom initial de La Martinique. Orpheline de mère, elle est incomprise par sa communauté et une mise de côté en raison des circonstances de disparition de sa génitrice. Menant une existence aussi paisible que cela pouvait l’être avec la présence des Français non loin de leurs territoires, elle se retrouvera élève de leur guide spirituel à la suite d’un malencontreux évènement. A ses côtés, l’on découvre la culture Kalinago, leur respect pour tout ce qui vit et leur quotidien en harmonie avec la nature, la terre, meurtrie par les envahisseurs qui ne pensent qu’au profit. Leur cas illustra parfaitement à quel point les Français nouvellement débarqués sur un territoire ne leur appartenant pas étaient fermés d’esprit et portés sur le jugement de la façon de vivre d’autrui. Pour eux, c’étaient des sauvages qui avaient besoin d’être évangélisés.

Certains Kalinagos ont essayé de discuter avec eux, toujours dans leur respect de la vie d’autrui, mais cela n’aboutit à rien et parfois, il vaut mieux combattre pour se faire respecter. Nonoum marque les esprits par sa façon de demeurer calme dans les situations même les plus désespérées, le temps de trouver une solution.

Enfin Rozenn, jeune et fougueuse Bretonne, se retrouvera sur la même plantation que Funmilayo après une vie de misère en France métropolitaine. En effet, à son époque, la chasse aux sorcières faisait rage. Avec son visage mangé à moitié par une tache couleur lie de vin, elle s’attirait déjà des quolibets et était pointée du doigt pour divers évènements que les villageois de sa communauté avaient du mal à s’expliquer. Après un énième affront où elle a failli y laisser sa peau, elle sera recueillie par Naïa, une autre femme rejetée par le commun des mortels parce que suspectée de pratiquer de la magie. Alors qu’elle possédait juste une connaissance de la pharmacopée naturelle…

Sans vous spoiler l’histoire, elle finira donc aussi en Martinique et malgré des moments de doute de la loyauté de ceux qu’elle aimait, elle réussira à aussi à ne pas se laisser atteindre par la cruauté de ce monde, sur un mode un peu plus « badass » que Funmilayo.

L’autrice a fait un énorme travail de recherche et de reconstruction d’histoire qu’elle détaille dans les pages suivant la fin du récit. En effet, je n’avais aucune idée du nom des peuples autochtones des Antilles ni de celui de La Martinique. En plus de cette dernière, l’autrice évoque les îles voisines ainsi que leur histoire, mêlée à celle de La Martinique. En somme, c’est une lecture que je recommande. Je n’ai pas encore d’enfants et j’en connais peu dans mon entourage ayant l’âge de lire et de comprendre les sujets abordés mais pour des adolescents et même des adultes, allez-y les yeux fermés. Il est disponible ici. Cela me donne envie de lire un peu plus d’œuvres jeunesse.

En attendant le prochain article, je vous dis à bientôt.

Bisous.



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A PROPOS

La lecture m’accompagne au quotidien depuis quasiment mon enfance. Passionnée par les auteurs Africains, Afro-descendants et des minorités en général, je ne m’empêche pas d’explorer d’autres horizons lorsque j’en ai envie ou lorsqu’on me le propose. Depuis plus de 5 ans, je partage mon ressenti et mes avis aussi bien par ici que sur Instagram, Facebook et Twitter. Bienvenue, j’espère que la visite vous plaira et n’hésitez pas à me suivre sur mes réseaux sociaux pour plus d’échanges autour des livres. Annette.

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