L’anté-peuple – Sony Labou Tansi

Le livre et l’auteur

Nitu Dadou est un directeur de collège pour filles, sérieux, intègre et travailleur. C’est donc avec étonnement que son entourage le voit sombrer dans l’alcool. Et la cause de ce changement de personnalité n’est autre qu’une de ses élèves qui s’était mis en tête de le séduire. Emporté par des événements qu’il ne semble plus contrôler, il finira par être accusé d’un crime qu’il n’a pourtant pas commis. C’est la descente aux enfers pour ce citoyen exemplaire qui, même en exil, finira par être confronté aux problématiques similaires de corruption, de dérives politiques et guerrières à distance de ses terres natales.

Éditions : Points

Pages : 222

Sony Labou Tansi, de son vrai nom Marcel Ntsoni est né en 1947 dans l’actuelle République Démocratique du Congo et mort en 1995 au Congo Brazzaville. Après des études à l’École Normale Supérieure d’Afrique centrale, il sera successivement professeur d’Anglais et Français puis chef de service à la Direction Générale de la Recherche Scientifique et enfin député. Son œuvre couvre le roman jusqu’au théâtre en passant par la poésie. Les thèmes centraux de ses écrits sont la corruption du pouvoir et la résistance. Elles ont d’ailleurs été confrontées à la censure à plusieurs reprises. Il est surtout connu pour son premier roman La Vie et demie, parue en 1979. Il a été récompensé par plusieurs prix au cours de sa vie. L’anté-peuple qui est son 4e roman, paru en 1983, a reçu le Grand prix littéraire d’Afrique Noire.

Sony Labou Tansi décède en 1995. La majorité de ses manuscrits est aujourd’hui disponible en consultation en ligne à la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges (Sources et pour plus d’informations : site lesfrancophonies.fr ; Wikipédia et Babelio).

Mon ressenti

Partagée. Le récit est divisé en vingt-sept chapitres et couvre plusieurs années de la vie de Nitu Dadou. La narration est faite à la troisième personne, donnant énormément de place à Dadou au début puis de moins en moins lorsque ses démêlés avec la justice commenceront. La place sera laissée aux personnes qui l’aideront à sortir de cet enfer, que j’éviterai de mentionner pour ne pas révéler l’intrigue.

La temporalité des évènements est assez difficile à saisir et l’auteur donne l’impression que tout s’inscrit dans un continuum qu’il n’a pas besoin de mentionner. La démarcation entre aujourd’hui, demain ou quelques jours plus tard n’est pas nette et il faut se concentrer pour suivre le déroulement des péripéties de Dadou. Enfin, plusieurs métaphores étayent le récit, pouvant vous perdre au départ, le temps de s’y habituer.

En ce qui concerne maintenant le fond, l’auteur, fidèle à ses sujets de prédilection brosse le tableau d’une société minée par la corruption, l’injustice et les abus de pouvoir. Parce que l’élève en question qui fait du charme à Dadou est la nièce d’un personnage politique, celle-ci se permettra de l’accuser injustement et déchaînera les passions sur lui. Ce dernier n’aura malheureusement personne au début pour le défendre. Il perdra tout jusqu’à sa famille, victime de ce que j’appellerai la justice populaire, qui a le vent en poupe lorsque la justice d’État fait défaut.

Il passera des années au trou et même lorsqu’il en sortira, ce sera pour se retrouver dans une société effrayée par le pouvoir en place et qui n’hésite pas à dénoncer toute personne lui semblant louche pour éviter des représailles. La force militaire, censée protéger la population, devient son bourreau et des mères se retrouvent à pleurer leurs fils, fauchés avant l’heure pour avoir oser se révolter.

Dadou m’a paru bizarre comme personnage. Il pouvait partir dans certains monologues qui vous perdaient. Mais en même temps, il se retrouve traité comme un malpropre alors qu’il a toujours été droit dans sa vie. Avec son personnage, Sony Labou Tansi met en avant ce que l’injustice peut avoir comme conséquence sur un individu. Idées noires, alcoolisme, questionnements sur le sens de la vie, cynisme et j’en passe.

Mais en même temps, l’auteur nous fait voir un bout d’espoir avec ceux qui deviendront étonnamment les « sauveurs » de Dadou. Ils feront preuve d’énormément de courage et de don de soi. Cela dit, une fois Dadou dehors, son existence ne sera pas non plus de tout repos et celle-ci sera le théâtre de la xénophobie qui peut exister entre deux communautés pourtant issues du même peuple…

C’est pour toutes ces raisons que je ressens un sentiment partagé au sujet de cette lecture. L’auteur écrit indéniablement bien. Certains passages sont criants de vérité et expriment aussi bien la souffrance, le sentiment de révolte que la résilience de ce peuple. Mais en même temps, je l’ai trouvé difficile à appréhender par moments et n’ai pas forcément tout compris, notamment la fin. Pour autant, je ne regrette pas de l’avoir lu et le conseille, afin que chacun puisse se faire son idée. Pour ceux qui l’auraient déjà lu, ou qui auraient déjà lu une œuvre de Sony Labou Tansi (j’ai abandonné La Vie et demie après quelques pages), n’hésitez pas à partager votre ressenti ou vos recommandations. Pour plus d’échange, pensez également à me suivre sur mes réseaux sociaux Instagram, Facebook et Twitter.

Il est disponible ici. Dans l’attente d’un nouvel article, je vous dis à bientôt et vous laisse avec ce passage :

« Ici, on y croit toujours. Ici, vous comprenez, croire devient un devoir. Croire, en tous ceux-là qui sont tombés. Pour tous ceux-là qui tomberont. Croire ou crever, c’est le seul choix qui nous est laissé. » p. 160.

Bisous.

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A PROPOS

La lecture m’accompagne au quotidien depuis quasiment mon enfance. Passionnée par les auteurs Africains, Afro-descendants et des minorités en général, je ne m’empêche pas d’explorer d’autres horizons lorsque j’en ai envie ou lorsqu’on me le propose. Depuis plus de 5 ans, je partage mon ressenti et mes avis aussi bien par ici que sur Instagram, Facebook et Twitter. Bienvenue, j’espère que la visite vous plaira et n’hésitez pas à me suivre sur mes réseaux sociaux pour plus d’échanges autour des livres. Annette.

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