Des baisers parfum tabac – Tayari Jones

Le livre et l’autrice

James Witherspoon est marié à Laverne dans l’Etat de Géorgie. Mariage légitime, officiel, reconnu par tous. Mais il est également marié à Gwendolyn dans l’Etat de l’Alabama. Union un peu plus secrète, connue seulement de la concernée et du meilleur ami de James. Chaque mariage donnera une fille. Cependant, seule Dana Lynn, celle « illégitime » sera au courant de la double vie de son père. Or comme le dit l’adage « il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas ». Et jouer sur deux tableaux dans une même ville peut finir par vous éclater à la figure…

Éditions : Presses de la cité/Pocket pour le format en ma possession

Pages : 380

Je ne reviendrai pas sur la biographie de l’autrice déjà mentionnée dans mon article sur son œuvre Un mariage américain. Des baisers parfum tabac est son troisième roman, initialement publié aux États-Unis en 2011 sous le titre Silver Sparrow aux éditions Algonquin Books. Il a été traduit en français en 2020. (Sources : Wikipédia et premières pages de l’œuvre).

Mon ressenti

Agréable mais horripilant. Bien que ce soit le troisième roman de Tayari Jones, c’est le deuxième que je lis et j’ai apprécié retrouver cette façon qu’elle a de raconter ses histoires à la première personne. Plus je lis et plus je m’aperçois que c’est cela qui me séduit. Des récits où on se sent proche des protagonistes du fait de la narration à la première personne. Le/la lecteur/lectrice prend donc connaissance de cette histoire de bigamie par l’intermédiaire des deux filles de James, d’abord avec Dana Lynn dans la première partie puis avec Chaurisse (la fille légitime) dans la seconde.

En ce qui concerne le fond, je vais être honnête de suite : James et Raleigh (son meilleur ami) sont des sal****. James et Gwendolyn ont été (sont ?) irresponsables (pour moi). James est lâche. Dana Lynn et Chaurisse sont de pauvres victimes des actions de leurs parents et n’ont rien demandé à personne. Laverne est brave. Maintenant que c’est dit, on peut passer à la suite.

Vous l’aurez compris, Dana Lynn et Chaurisse m’ont touché tandis que la majorité des adultes du récit m’a agacé. A travers le personnage de Dana, Tayari Jones évoque les thèmes de la culpabilité infantile (Dana qui se demande si le fait d’être un « secret » est sa faute dès l’enfance) ; du sentiment de toujours devoir passer en second et de faire ses choix en fonction de quelqu’un d’autre (Dana vis-à-vis de Chaurisse) ; de la jalousie et de la révolte consécutives à cette différence de traitement de la part d’une figure d’attachement qu’est le père. Elle aborde brièvement également la perception des relations homme-femme que peut engendrer l’exemple qu’un enfant a sous ses yeux, autrement dit, la relation de ses parents.

« J’étais prête à donner une chance à tous ceux qui me témoignaient de l’intérêt – j’estimais que je ne pouvais pas me permettre de faire la fine bouche –, mais j’étais toujours déçue. » p. 53

Mais il est aussi question de mal-être physique ; de difficultés à trouver sa voie, sa place ; de solitude ; d’ « enfant miracle » et de confiance brisée lorsqu’on se penche sur le cas de Chaurisse qui est fille unique.

« Lorsque j’expliquais pourquoi je ne tenais pas plus que ça à avoir des copines, je prétextais que les filles étaient trop compliquées, mais je mentais. En réalité, je n’avais qu’une envie, c’était d’avoir une amie à qui me confier. Je voulais m’épancher, partager tout ce que je savais. » p. 236

En ce qui concerne les adultes, on retrouve évidemment les notions de mensonges, d’adultère et de choix inconsidérés mais aussi le fait de devoir faire avec ce que la vie vous propose, à la suite de certains événements dont le contrôle nous a échappé (le cas de Laverne). Le tout dans le contexte historique des États-Unis où être Noir vous dessert plus qu’autre chose et où on est bien content lorsqu’on arrive à avoir une situation financière et sociale relativement confortable.

« La vérité est une chose étrange. Comme la pornographie, on la reconnaît quand on la voit. La fille d’argent était donc ma sœur. Quant à James, mon père, ce monsieur Tout-le-monde avec ses lunettes en cul de bouteille, c’était un vulgaire salaud. Et moi dans tout ça ? J’étais la dernière des idiotes. » p. 334.

Les éléments qui m’ont dérangé seraient peut-être l’absence du point de vue de James dans tout cela (c’est quand même lui le grand fautif dans tout cela) et la fin que j’ai trouvé plutôt abrupte.

En somme, je recommande. Tayari Jones nous offre encore une fois une histoire imprégnée de la complexité humaine et des conséquences durables de choix faits à certains moments de sa vie. Le rythme y est, l’exploration du ressenti de ces deux jeunes filles est faite avec brio et on a envie de savoir comment et quand aura lieu la confrontation entre les deux existences de James. Je vous laisserai le lire pour découvrir tout cela. Des baisers parfum tabac est disponible ici.

Je conclurai cet article avec ce passage : « On dit souvent que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. C’est faux. Ce qui ne nous tue pas ne nous tue pas. C’est tout. Parfois, il faut juste espérer que ça suffise. » p. 377

A bientôt pour un nouvel article. Dans l’intervalle, prenez soin de vous.

Bisous.



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A PROPOS

La lecture m’accompagne au quotidien depuis quasiment mon enfance. Passionnée par les auteurs Africains, Afro-descendants et des minorités en général, je ne m’empêche pas d’explorer d’autres horizons lorsque j’en ai envie ou lorsqu’on me le propose. Depuis plus de 5 ans, je partage mon ressenti et mes avis aussi bien par ici que sur Instagram, Facebook et Twitter. Bienvenue, j’espère que la visite vous plaira et n’hésitez pas à me suivre sur mes réseaux sociaux pour plus d’échanges autour des livres. Annette.

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