Le livre et l’auteure
XVIIe siècle, Baie du Massachusetts. Alors qu’elle menait une existence bien normée au sein d’une communauté de puritains Anglais, la vie de Mary Rowlandson bascule lorsque son domicile est attaqué par des Indiens en l’absence de son mari et qu’elle est faite prisonnière aux côtés de ses trois enfants. Contrainte de vivre parmi un peuple qui lui a toujours été décrit comme étant « sauvage » et païen, Mary découvre peu à peu un mode de vie empreint d’une liberté et d’une certaine humanité, manquantes à son univers et dont elle était inconsciente. Comment fait-on pour déconstruire une bonne partie de ce qui nous a forgé et surtout est-ce possible de retourner à son monde bien rangé sans avoir été marqué par ce temps passé auprès des Indiens ?
Éditions : Éditions 10/18 (publication initiale aux éditions Penguin avec traduction française par les éditions Le Cherche midi)
Pages : 453
Amy Belding Brown est une poétesse, romancière et nouvelliste Américaine, vivant dans le Vermont avec son mari et ses quatre enfants. L’Envol du moineau est son premier roman publié en France (2019).
Mon ressenti
Intéressant. Le récit de Mary et de sa captivité s’étale sur trente-sept chapitres, racontés à la troisième personne et se termine par des notes de l’auteure, retraçant ses sources dans la mesure où le personnage de Mary Rowlandson a vraiment existé dans l’histoire. En effet, cette dernière, née vers 1637 en Angleterre – avant que ses parents ne déménagent en terre américaine (son père était un riche propriétaire terrien) – et décédée en janvier 1711, est à l’origine d’une œuvre, Récit de la captivité et du rachat de Mme Mary Rowlandson, considérée comme étant l’un des premiers best-sellers de l’Amérique anglaise et l’un des premiers récits de captivité américains. Ainsi, Amy Belding Brown a relaté dans son travail le parcours de cette femme, bien sûr en le romançant un peu.
Donc, nous suivons initialement Mary dans son quotidien d’épouse de Joseph Rowlandson, pasteur de la communauté puritaine de Lancaster dans la baie du Massachusetts ; majoritairement fait d’activités domestiques (potager, traite, couture, gestion des enfants) dans une ambiance ultra conservatrice frôlant la misogynie et le machisme. Effectivement, il était attendu des femmes qu’elles exécutent les « ordres » de leurs maris sans broncher et qu’elles acceptent les punitions tels que les châtiments corporels lorsque ces derniers estimaient qu’elles leurs manquaient de respect, selon a priori les Saintes Écritures que cette communauté interprétait à la lettre et au sein de la laquelle il était mal vu qu’une femme fasse usage de sa matière grise.
Sans toutefois complètement se rebeller, Mary montrait déjà quelques signes de désaccord avec les principes de sa communauté, qui s’affirmeront au cours de sa captivité chez les Indiens où elle découvrira des personnes parfois plus humaines et partageant des valeurs plus chrétiennes que ce dont elle avait pu être témoin dans son groupe social initial. Elle se familiarisera avec la vie dans la nature, la compréhension et l’apprivoisement de cette dernière et elle verra que les femmes autant que les hommes pouvaient tout aussi bien être en position de pouvoir.
Bien évidemment, tout cela se passait sur fond de tensions entre Anglais et Indiens, les premiers venant prendre aux seconds leurs terres ; comme d’habitude sans autorisation et sous couvert d’une « mission civilisatrice et évangélique » et s’étonnant que ces derniers se rebellent et viennent à leur tour piller leurs habitations. La violence engendre la violence, sans surprise. Et comme souvent, on assiste à des méthodes bien connues de Occidentaux envahisseurs (une fois les terres occupées et les Indiens matés) celle de la mise en place de « réserves », des sortes de camps où les Indiens étaient parqués comme du bétail.
Joseph, l’époux de Mary m’a particulièrement agacé, avec ses sermons à tout-va jusqu’à remettre en cause l’amour d’une mère pour ses enfants (source de péché pour lui). Comme souvent, c’était le type d’homme de Dieu, qui certes vivait ce qu’il prêchait, avec un peu trop de zèle parfois, mais qui surtout accordait plus d’importance aux apparences qu’au réel bien-être de sa femme et de son foyer. Et les autres membres de cette communauté de puritains n’étaient pas forcément meilleurs puisqu’ils ne voyaient pas plus loin que le bout de leurs nez et se refusaient à s’imaginer que les Indiens et les Noirs puissent être des humains, pourvus d’une âme comme eux.
La narration se fait au plus près du vécu de Mary et le lecteur passe par toutes ses remises en question, ses constats jusqu’à son émancipation. Le seul point faible ou plutôt peu utile à mon sens trouvé au récit est la construction d’une romance platonique entre Mary et l’un des Indiens lettrés (James l’Imprimeur) du camp où elle a été retenue prisonnière. Cela semblait voué à l’échec dès le départ et leur petit jeu pouvait en devenir lassant. Cela m’a fait penser à l’histoire de Caroline Ferriday et Paul Rodierre dans Le Lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux de Martha Hall Kelly, intéressante mais sans plus-value dans l’ensemble du tableau.
Bref, ce fut un chouette moment de lecture mais il ne figurera pas parmi les livres que je conserve dans ma bibliothèque. Si vous souhaitez vous immerger dans le récit de la captivité d’une jeune femme Anglaise de bonne famille chez les Indiens, où elle s’éveille à la nature et fait un cheminement personnel vers une meilleure version d’elle-même et une reconnaissance de l’injustice de son petit monde bien rangé, le tout dans le contexte historique des colonies Britanniques Américaines entre 1600 et 1800 où de milliers d’Indiens ont péri, ce livre est pour vous. Attention toutefois aux âmes sensibles, comme tout récit portant sur ces sujets, préparez vous à lire des moments durs pour ne pas dire cruels. Il est disponible ici.
Dans l’attente d’un nouvel article, je vous dis à bientôt. Prenez soin de vous.
Bisous.