Le livre et l’auteur
Quatrième de couverture : Comment un écrivain reconnu, une jeune femme féministe et deux amis d’enfance, tous originaires d’Afrique de l’Ouest, se retrouvent-ils sur les routes de la clandestinité vers l’Europe ? Au fil d’une terrible odyssée, Khalil Diallo nous conte l’histoire de ces compagnons d’infortune et nous embarque dans le flux de milliers de migrants prêts à traverser le désert et la mer dans l’espoir d’un avenir meilleur. Rien ne leur sera épargné mais, malgré les désillusions et les souffrances, ils ne cessent de rêver et de se battre pour leur droit inaliénable et universel à la dignité. Roman d’exil et d’espoir, L’Odyssée des oubliés dresse un tableau sans concession de l’Afrique et nous livre un roman sur l’amitié, la solidarité et la mémoire.
Éditions : Emmanuelle Collas
Pages : 190
*: Œuvre reçue gratuitement par la boutique Africa Vivre dans le cadre d’une collaboration non rémunérée.
Khalil Diallo est un jeune écrivain Sénégalais né en Mauritanie en 1992. Auteur de deux romans, il est finaliste de nombreux prix avant de remporter le Prix Ahmed Baba en 2021 avec L’odyssée des oubliés paru initialement aux éditions L’Harmattan Sénégal puis aux éditions Emmanuelle Colas la même année.
Il vit à Dakar. (Sources : quatrième de couverture, Wikipédia).
Mon ressenti
Prenant. C’est Sembouyane, un des deux amis d’enfance mentionnés sur la quatrième de couverture qui nous embarque dans cette odyssée. La narration est donc faite à la première personne, nous plaçant aux premières loges des difficultés que vivent les personnes souhaitant rejoindre l’Europe de façon clandestine. Les « chapitres » se suivent mais ne se ressemblent pas notamment sur leur longueur. Cela reflète un peu les conditions dans lesquelles Sembouyane relate son aventure.
Le style de l’auteur m’a fait penser à celui de Marcial Gala dans Appelez-moi Cassandre avec un ton lyrique, dramatique et très imagé. Ce fut une agréable surprise au départ mais j’ai trouvé que cela finissait par alourdir la lecture au fur et à mesure que je progressais.
En ce qui concerne maintenant le fond, tout démarre donc avec Sembouyane, jeune homme né dans un petit village de Forédougou, pays à priori coincé entre le Sénégal et la Guinée Conakry. Absent pendant quelques jours en raison de sa cérémonie de passage à l’âge adulte, il découvre à son retour avec horreur que son village a été massacré par des miliciens.
Ayant tout perdu et désormais orphelin, il décide alors de quitter ce lieu marqué par la violence et la misère pour tenter sa chance vers l’Europe. Avant même de prendre la route, il tombe sur Idy, ami d’enfance qui a miraculeusement échappé à la mort. C’est ainsi que tous deux se mettent en chemin vers des horizons meilleurs.
Sur leur parcours, ils feront la rencontre de Karim, jeune diplômé de l’éducation nationale de son pays mais sans emploi qui veut assurer son rôle d’aîné de la fratrie ; Alain, écrivain banni de son pays parce qu’il osait critiquer le pouvoir en place et Maguy, jeune femme ayant fui son pays d’origine en raison des conditions de vie des femmes dans ce dernier.
Avec cette multitude de personnages et d’histoires de vie, Khalil Diallo brosse le tableau des raisons qui peuvent pousser un individu à tenter une traversée (du désert ou de l’océan) dans la quête de lendemains meilleurs.
Au-delà des causes « classiques » comme la guerre, les régimes totalitaires, on peut vouloir s’échapper de son milieu d’origine parce qu’aucun avenir n’y est possible. Quitte à mettre en danger sa vie. D’ailleurs l’auteur ne nous épargne rien sur le chemin de cette terrible traversée : les passeurs sans foi ni loi ; les terroristes et les agresseurs dans le désert ; le marché aux esclaves avec le racisme du Maghreb ; la vie dans les camps de fortune dressés sur le chemin de l’exil ; la mort et les conditions difficiles de voyage.
« Demain dès l’aube à l’heure où renaît la forêt, comme le poète éploré, je m’en irai. Je prendrai la route de l’exil, tracée par des cadavres. J’irai par les gîtes de la mort, champs de cadavres ravagés par la famine, la soif et la brutalité des hommes, à travers le désert pour trouver ma terre promise. » p. 25-26
J’ai bien sûr ressenti de la peine pour Sembouyane et ses compagnons. Mais aussi de la révolte envers ces personnes qui créent ou du moins entretiennent des conditions poussant les jeunes à fuir leur pays. Révolte également envers ceux qui croisent leur route et profitent du peu qu’ils ont. Ces jeunes sont braves au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Et même si le récit de Khalil Diallo ne changera pas la situation, j’espère qu’il permettra à ceux qui tomberont dessus de se rendre compte que ce n’est pas de bon cœur que les « clandestins » se lancent dans cette aventure.
« Pour la deuxième fois, nous allions confier notre vie à un passeur. Or, nous savions tous que chaque embarcation en partance pour l’Europe depuis le Maghreb est un nouveau Titanic. Mais peu importait du moment que nous allions de l’avant. » p. 173
En somme, je recommande pour découvrir la plume de l’auteur mais ne vous lancez pas dedans si vous êtes d’humeur plutôt maussade. Il faut s’accrocher (#TriggerWarning violences physiques et sexuelles, mutilations, racisme, exécutions arbitraires).
Cela dit, malgré le caractère angoissant et presque fataliste qui se dégage du récit de Sembouyane, l’espoir reste palpable et on a envie d’y croire jusqu’au bout. Par ailleurs, la solidarité, l’amitié et la loyauté qui naissent entre ces aventuriers est belle à voir. Mention spéciale à Maguy, seule femme du groupe. Tout cela apporte un peu de lumière sur ce chemin obscur qu’est celui de l’immigration clandestine. Je vous laisserai découvrir le dénouement si cela vous intéresse. L’odyssée des oubliés est disponible ici. Quant à moi, je vous dis à bientôt pour un nouvel article. Dans l’intervalle, prenez soin de vous.
Bisous.



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