Le livre et l’auteur
Années 90, Bujumbura (Burundi). Gabriel – « Gaby » – menait une existence paisible aux côtés de ses parents et de sa sœur Ana. Avec ses copains, il ne manquait pas de faire les quatre cents coups dès que l’occasion se présentait. Tout semblait rouler comme sur des roulettes avant qu’un éclair ne vienne déchirer le ciel bleu de son petit coin de paradis. Petit à petit, son équilibre familial vacillera avant de s’effondrer puis il apprendra qu’il est Français, né d’une mère Rwandaise Tutsi. Lui qui ne prêtait aucune attention aux distinctions ethniques de son univers devra y faire face et c’est son enfance avec toute son innocence qu’il devra enterrer avec les événements horribles de cette période…
Éditions : Le livre de poche. Parution initiale aux Éditions Grasset.
Pages : 223
Gaël Faye est un auteur-compositeur-interprète franco-rwandais né le 06 août 1982 à Bujumbura au Burundi. Il y a passé une partie de son enfance avant de se réfugier France à l’âge de 13 ans, à la suite du déclenchement de la guerre civile au Burundi en 1993 ainsi que du génocide des Tutsis dans le Rwanda voisin en 1994. Il découvre le rap et la culture hip-hop au cours de son adolescence dans les Yvelines.
Après voir étudié dans une école de commerce en France puis travaillé à Londres, il quitte l’Angleterre pour se lancer dans l’écriture et la musique. Il a sorti deux albums aux inspirations multiples : Pili-pili sur un croissant au beurre (2013) et rythmes et botanique (2017), enregistrés entre Kigali, Bujumbura et Paris. Son dernier album Fleurs est sorti en 2018.
En 2016, Petit Pays est publié chez Grasset. Ce fut tout de suite un succès et le livre remporta de nombreuses distinctions comme le Prix du roman Fnac, le Prix du premier roman Français et le prix Goncourt des Lycéens. Il est actuellement en adaptation cinématographique mais aucune date n’est encore prévue pour sa sortie.
Aujourd’hui, Gaël Faye vit à Kigali (Rwanda) avec sa femme et ses enfants. (Sources : Wikipédia et Babelio).
Mon ressenti
Comme mentionné plus haut, ce livre est sorti depuis un moment et il a fait du bruit aussi bien avant qu’après sa sortie. Mon article arrive un peu tard mais il vaut mieux tard que jamais.
Honnêtement, je n’ai pas pu m’arrêter avant d’avoir tourné la dernière page. Pour un premier roman, il s’agit d’un véritable petit bijou. Gaël Faye nous parle ici de Gaby et de son petit monde qui volera en éclats au cours des événements politiques qui secoueront le Burundi, petit pays d’Afrique de l’Est dans les années 90. Il s’agit quelque part d’un roman autobiographique lorsque l’on prête attention au vécu de l’auteur même. C’est donc un pan de son histoire qu’il nous raconte à travers le regard de Gabriel « Gaby ».
Gaby, du haut de ses dix ans, nous entraîne tout d’abord dans son quotidien d’enfant (un peu privilégié d’ailleurs du fait de son métissage), avec un ton joyeux, poétique. Il a sa bande d’amis avec qui ils jouent sans se poser de questions. Il va à l’école comme tout le monde et ne pointe du doigt personne. Puis progressivement, le tableau s’assombrit et il assiste impuissant à l’effondrement de sa famille et au déchirement de son cher petit pays par les rivalités ethniques. Lui qui ne se considérait que comme « Gaby », devra accepter le fait qu’il est Français avec une mère Rwandaise Tutsi. Il verra ses proches anéantis par la peur et la perte d’êtres chers.
Il ne comprend pas pourquoi toutes ces personnes se font autant de mal. Ces journées de « ville morte » où les rues sont calmes et les gens barricadés chez eux. Les copains et les jeux qui se font rares. Les coups de feu la nuit, les cadavres le jour. Même s’il finit par l’accepter, pour lui, avec son esprit d’enfant, la guerre n’a pas de raison d’être. Et c’est ce qui fait toute la force de livre. Parler de la guerre avec un langage d’enfant. La douceur et l’innocence côtoient l’horreur. Et l’on ne ressort pas indemne de cette lecture.
Les événements relatés font référence à la guerre civile qui a eu lieu au Burundi en 1993 à la suite du coup d’état militaire visant le candidat Hutu Melchior Ndadaye, élu président dans le contexte des premières élections libres et pluralistes depuis l’indépendance du Burundi en 1962. Cette victoire réveilla les rivalités déjà existantes entre Hutus et Tutsis et poussa l’armée majoritairement constituée de Tutsis à « passer à l’attaque ». Pour la petite histoire, les rivalités entre Hutus et Tutsis remontent à l’époque coloniale. En effet, la distinction entre ces deux groupes a été faite par les colons qui à l’époque, dans une région non encore séparée en Rwanda d’un côté et Burundi de l’autre, classaient les populations locales en fonction de leurs professions. Néanmoins ces distinctions professionnelles deviendront des distinctions « raciales ».
Dans le système des colons, les deux groupes majoritaires Hutus et Tutsis étaient mis en opposition : un peuple d’éleveurs, riches, possédant des troupeaux (Tutsis) versus un peuple d’agriculteurs (Hutus) relativement « pauvres ». Les Tutsis occupaient souvent des postes haut placés tandis que les Hutus étaient relégués à des postes subalternes par exemple. Et donc forcément à un moment, les hostilités commencent et très vite, la violence s’installe. L’on parle souvent du génocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda en 1994 mais la situation n’était pas stable dans le Burundi à côté qui avait accueilli au cours de l’histoire des réfugiés Tutsis. Pour ma part, je n’avais jamais entendu parler de cette partie de l’histoire avant de lire ce roman et j’en ai appris beaucoup.
Cependant, attention, il ne s’agit pas d’un récit historique. Il s’agit d’une histoire de vie émaillée par des faits historiques. Ainsi, cela sera au lecteur d’aller chercher l’information s’il souhaite en savoir plus. Toujours est-il que plusieurs personnes perdront la vie dans cette guerre opposant l’armée Tutsi aux rebelles Hutus. La guerre durera jusque dans les années 2000 et ne prendra fin officiellement qu’en 2006 (une instabilité politique demeure à ce jour au Burundi avec des risques de nouvelle guerre civile, surtout à l’approche des élections de 2020). Les chiffres que j’ai pu retrouver font état de 300000 morts. La guerre est l’une des pires choses qui soit depuis que l’humain existe. Elle laisse des traces qui bien souvent demeurent indélébiles…
En dehors de la guerre civile qui constitue la trame de fond de l’histoire de Gabriel, il y a aussi d’autres problématiques comme les mariages mixtes (que j’ai déjà abordé dans certains de mes articles) et les conflits que cela peut générer dans la famille ; ou encore les « expatriés » Français qui malgré l’indépendance des pays dans lesquels ils résident, s’y comportent encore comme s’ils étaient les chefs et se permettent d’affubler de tous les noms leurs employés Noirs.
Enfin, je tiens à mentionner l’intérêt que Gabriel a progressivement développé pour la lecture, seul moyen pour lui de trouver une échappatoire à son quotidien chaotique. Chers amis, lisez. Avec un livre, on peut faire le tour du monde, se perdre dans les océans et remonter dans le temps. Parfois, ils sont notre seule porte de secours d’une réalité étouffante.
En somme, je me rallie à tous ceux ayant lu et parlé de Petit Pays sur la toile ou ailleurs en faisant son éloge. Je pense avoir tout dit dans l’article et ne peux que vous le recommander. Il est disponible ici. Je ne sais pas si Gaël Faye prévoit d’écrire un autre roman mais c’est avec excitation que je lirai sa prochaine œuvre. Cet article se termine ici. A bientôt pour un nouvel article. En attendant, prenez soin de vous.
Bisous.
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