Coucou tout le monde! C’est la rentrée, j’espère que vous avez passé de bonnes vacances 🙂
Le livre et l’auteur
« Kounta savait qu’il ne reverrait plus jamais l’Afrique » p. 201. C’est ainsi que commença le long voyage marin qui emmena Kounta Kinté de son Afrique natale en Amérique où l’attendait une vie horrible de servitude.
Alex Haley, l’auteur, né en 1921, est un descendant de ce cher Kounta Kinté qui fut son arrière-arrière-arrière-grand-père. Il a grandi dans le Tennessee où durant son enfance, lui a été conté les aventures de cet aïeul disparu depuis fort longtemps. C’est à 17 ans que commença le long chemin qui le mènera à l’écriture de Racines.
En effet, s’étant engagé dans la garde côtière des Etats-Unis, il s’est progressivement mis à écrire des nouvelles pour tromper l’ennui qui le prenait de temps en temps. Puis arrivé à la retraite dans ce domaine, il décida de se lancer dans une carrière d’auteur. Passionné d’histoire, il écrivit des nouvelles historiques, participa à la rédaction de « L’Autobiographie de Malcom X » et ne ratait pas une occasion de se cultiver en visitant des musées.
C’est ainsi qu’en 1962, il eut comme un déclic devant la Pierre de Rosette exposée au British Museum en Angleterre. Il se lança ainsi à corps perdus dans plusieurs recherches, s’entretenant avec des linguistes, mettant les moyens financiers nécessaires dans le but de remonter son ascendance jusqu’en Gambie, pays d’où il pense être originaire. Après 12 ans de travaux de recherche avec détermination, Racines voit le jour en 1976. L’oeuvre connut un grand succès et fut même adaptée à l’écran sous le format d’une série nommée « ROOTS » (titre original en anglais).
Alex Haley mourut en 1992. Il fut enseveli dans le jardin de sa maison natale dans l’Etat du Tennessee, maison qui devint le premier site historique d’Etat consacré aux Afro-Américains.
Racines est publié aux Editions « J’ai Lu » en format poche et est assez imposant de par le nombre de pages à lire. 750 pages en tout sans prologue ni épilogue. L’écriture est assez petite mais il se lit plutôt bien.

Mon ressenti
Racines retrace donc l’histoire de toute une famille de Kounta Kinté jusqu’à son arrière-arrière-arrière-petit-fils, l’auteur Alex Haley. Je ne vais pas vous le cacher, la lecture fut douloureuse.
Pas tout au long de l’oeuvre mais dès la capture de Kounta jusqu’à son arrivée aux USA puis tout ce qui suivra en ce qui concerne ses descendants. Quand on lit une histoire, c’est un peu comme si elle se déroulait sous nos yeux tant notre imagination y travaille.
Les conditions du voyage transatlantique sont juste inhumaines: « (…) Les piqûres et les démangeaisons devenaient intolérables. Dans la saleté, puces et poux de corps avaient proliféré par milliers; tout l’entrepont en étai infesté. Là où ils sévissaient le plus, c’était dans les endroits du corps garnis de poils. Kounta avait les aisselles et tout le bas-ventre en feu (…) » p. 205
« (…) Kounta avait perdu toute notion du temps. Sur la longue étagère où ils étaient entassés, l’urine, les vomissures et les excréments qui empuantissaient l’air s’étaient mélangés en une pâte qui nappait les planches (…) » p. 206
La vie une fois sur cette nouvelle Terre n’est pas mieux. Vous êtes considérés comme des sous-hommes qu’on peut vendre, battre, traquer, mutiler et tuer à volonté. Se dire que des hommes ont pu traiter d’autres hommes de la sorte pour une histoire de couleur de peau, c’est juste hallucinant. Je ne pense même pas que l’on puisse trouver à ce jour une raison valable à de tels agissements.
Néanmoins, il y eut des moments de joie, des moments drôles, notamment lorsque Kounta vivait encore dans son village Djouffouré, où il se posait des questions sur le monde, sur les relations hommes-femmes, sur son « foto » (organe génital mâle) 🙂 . Ou encore lorsqu’il jouait avec les jeunes de son âge, lorsqu’il s’investissait dans son rôle de grand-frère et faisait la fierté de ses parents.
Je trouve également que l’histoire permet de se faire une idée sur les habitudes de vie d’un peuple Africain (ici les Mandingues) avant que l’envahisseur n’arrive. Et contrairement à ce que ces derniers croyaient (et à ce que certains croient encore aujourd’hui), les Africains ne vivaient pas dans les arbres, ni ne passaient leurs journées à paresser.
Au contraire, la vie était bouillonnante et vous façonnait en « homme » à travers diverses épreuves. Cependant, les quelques points « négatifs » que je soulèverai en ce qui concerne ces épreuves/habitudes de vie sont les suivants: en premier, le fait qu’il n’y avait pas beaucoup de place pour les sentiments/émotions, surtout lorsqu’il s’agissait des hommes. C’est-à-dire qu’un « vrai homme » n’avait pas à montrer ses émotions, ou témoigner son affection à ses proches. Ou du moins, pas ouvertement.
Et je me suis dit que c’était peut-être de là que venait l’image du Noir fort, stoïque, qui ne ressent ni peine, ni douleur ou qui ne peut être faible « mentalement ». Il subit tout en silence Ensuite, deuxième point, le rôle des femmes dans la société de Kounta Kinté. Ces dernières, bien que respectées, sont quand même écartées des discussions « sérieuses » et sont considérées comme devant garder une certaine place sans broncher.
Autrement, en dehors de ces deux points citées plus haut, le récit dépeint une nouvelle fois cette harmonie qui existait entre la nature et les Africains. Se repérer grâce au soleil ou aux étoiles, pouvoir imiter certains cris d’animaux à la perfection afin de les attirer, ne pas en tuer certains sans raison, etc. Et cela, c’est beau 🙂
Aussi, il est nécessaire de rappeler la méthode à qui nous devons finalement toute cette histoire, il s’agit de la transmission orale des faits. J’en avais déjà fait mention dans un article, mais ici nous en avons un parfait exemple. Kounta, dans sa fierté et dignité d’Africain, ne voulait pas quitter ce monde sans avoir laissé de traces de ce qui faisait de lui un Africain. Ainsi en dépit de ses maîtres qui voulaient le déposséder de tout ce qui faisait son identité jusqu’à son nom, il a résisté, bien sûr en faisant profil bas, mais il a résisté quand même.
Et il n’a pas hésité à parler de sa Terre natale à sa fille et lui faire comprendre qu’elle est Africaine avant tout, née libre et non une simple esclave dans une plantation dans le Sud des USA. Celle-ci a voulu respecter cette tradition en racontant ce qu’elle avait retenu à son fils et c’est ainsi que de génération en génération l’histoire s’est transmise.
Cela m’a fait penser au point que j’évoquais dans mon article sur Les Bouts de Bois de Dieu de Sembène Ousmane. Comme quoi, nos cultures dont font partie nos langues se perdent. Je me suis donc dit que pour les jeunes Africains d’aujourd’hui, nés ailleurs que sur le Continent, cela pourrait être un moyen d’empêcher cette extinction.
Demandez à vos parents de vous parler dans leurs langues maternelles, ou de vous raconter ce qu’ils savent sur leurs ethnies/pays d’origine. Faites des recherches s’ils ne savent pas trop. Puis discutez-en avec eux, certaines notions leur reviendront peut-être.
Quant aux parents, parlez à vos enfants dans leur(s) langue(s), parlez leur de votre/vos pays, de votre/vos culture/s. Et même mieux, si possible, emmenez-les-y pour qu’ils sachent d’où ils viennent et si ce n’est pas possible, donnez leur tellement envie qu’ils se décident à y aller lorsqu’ils en auront les moyens. C’est à nous d’écrire notre Histoire, nous n’arrêterons peut-être pas ce phénomène de disparition de nos jours, mais il prendra plus de temps et qui sait? La balance pourrait basculer en notre faveur 😉
Pour rebondir sur ce point, j’évoquerai aussi le fait qu’à l’opposé de Kounta qui ne se voyait que comme un Africain pur, il y avait les autres esclaves, descendants des premiers Africains déportés qui eux ne se sentaient pas du tout (mais alors là pas du tout) Africains.
Ceci est toujours d’actualité. Plusieurs jeunes nés ailleurs que sur le Continent se sentent plus Européen/Américain que Africain parce qu’ils n’auront eu aucun contact (ne serait-ce que oral) avec l’Afrique. C’est plutôt dommage. Je ne dis pas qu’il ne faut pas se sentir Européen ou Américain (nous avons tous une nationalité en fonction de notre lieu de naissance) mais c’est juste une question de ne pas oublier ses origines 😉
Puis avant de terminer cet article, il est intéressant de noter que parallèlement à l’histoire de Kounta Kinté et de sa famille, l’oeuvre retrace également l’histoire des Etats-Unis avec la lutte pour l’affranchissement des esclaves, la révolution en Haïti, la guerre de Sécession, etc.
Sur ce, j’en ai fini avec cet article. Petit extrait qui met l’accent sur le deuxième point que j’ai abordé en ce qui concerne notre Histoire: « Ainsi, papa a rejoint les autres là-haut. Et, tous ensemble, ils nous regardent et nous guident. Et je sens qu’ils partagent mon espoir: que ce récit sur notre peuple contribue à rendre un peu moins pesant le fait que l’Histoire, le plus généralement, est écrite par les vainqueurs » p. 750
L’histoire a été adaptée à la télévision et je me rappelle vaguement l’avoir regardé avant même d’arriver au collège. De ce fait, j’avais pratiquement tout oublié sauf le nom Kounta Kinté. Ce fut une lecture riche, émouvante, pleine d’espoir en dépit de tout ce qui s’est passé. Je vous le conseille. Comme d’habitude, c’est par ici pour l’acheter et pour mes amis togolais, Librairie Bon Pasteur, Librairie Star, Librairie « Par Terre ».
N’hésitez pas à laisser des commentaires que cela soit en rapport avec l’article ou que vous ayez déjà lu le livre, cela fait toujours plaisir d’échanger 😉
A bientôt pour un nouvel article. Bisous.
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