Aminata – Lawrence Hill

Le livre et l’auteur

Âgée à peine de onze ans, Aminata Diallo subit une double peine : la mort de ses parents sous ses yeux et son enlèvement pour en faire une esclave de l’autre côté de l’Océan. Débarquée initialement en Caroline du Sud où elle s’échinera au travail de l’Indigo, elle réussira à quitter ce monde de servitude pour New York d’abord puis la Nouvelle Écosse avant d’atterrir en Sierra Leone. A l’approche de la fin de ses jours, celle qui fut l’une des rares survivantes de la pire entreprise de l’humanité, prend sa plume et nous entraine dans un voyage long, pénible mais nécessaire à la mémoire collective.

Éditions : Présence Africaine

Pages : 568

Lawrence Hill est un auteur Canadien, né en 1957 dans l’Ontario, d’un père Noir et d’une mère Blanche, tous les deux Américains. Après des études en sciences économiques à l’Université de Laval puis un diplôme en écriture à l’Université Johns Hopkins dans le Baltimore, il exerce la fonction de journaliste un temps avant de se consacrer à l’écriture.

Aminata (en VO The Book of Negroes ou encore Someone Knows My Name) est publié en 2007 et recevra en 2008 le prestigieux Commonwealth Writer’s Prize for the Best Book.

Mon ressenti

Fatiguée. Ce récit figurait parmi les livres que je souhaitais lire depuis 2017 ou 2018 (oui, cela commence à faire un petit moment), à l’époque où j’avais encore le cœur accroché pour lire des écrits comme Racines, Ségou, Moi Tituba Sorcière… mais là, je n’ai pas pu aller au bout de ma lecture. Le parcours d’Aminata est réparti en 4 livres, eux-mêmes divisés en plusieurs chapitres et c’est à la première personne que les lignes retraçant son vécu nous sont livrées. Ainsi, l’immersion est complète et l’on partage aussi bien ses peines (nombreuses), ses doutes que ses rares joies. Aminata débute par son présent et nous entraine par la suite dans les méandres de sa mémoire, elle qui enfant, souhaitait devenir plus tard une « djéli », un griot pour pouvoir raconter les faits et gestes de ceux qui avaient quitté ce monde.

Je disais donc que j’ai abandonné ma lecture parce que j’en ai eu marre de lire encore et toujours les mêmes horreurs liées à l’esclavage et au traitement qu’ont pu subir les populations de l’époque. La capture, les meurtres arbitraires, les sévices corporels, la déshumanisation, les viols, la séparation entre parents/enfants pour briser encore plus ces captifs et j’en passe. J’ai réussi à tenir jusqu’au troisième livre mais je me suis arrêtée là, ne supportant plus toutes les embûches semées sur le chemin d’Aminata. En effet, bien que débarquée en Caroline du Sud, sa condition de « nègre sensible », autrement dit « intelligent » selon les définitions des maitres de l’époque lui permettra assez vite de quitter le dur labeur de l’indigo et d’être rachetée par un « aristocrate » juif qui l’emploiera un peu comme secrétaire et comptable. Mais cela restait une vie de servitude et peu importe le lieu où elle se rendait, il ne faisait pas bon être Noire (qui plus est une femme) à l’époque. Persévérante, tenace et ayant soif de liberté, elle réussira également à quitter son second joug, similaire à une prise dorée pour tenter coûte que coûte de retourner à Bayo, son village natal.

Bien que difficile et malgré mon abandon, le récit d’Aminata vaut le détour parce que déjà porté par une femme, mais aussi parce que pour une fois, l’on suit un personnage dont la vie ne s’arrêtera pas à l’esclavage sur un territoire qui n’est initialement pas le sien. Un personnage qui se battra pour conserver son nom et sa culture afin qu’ils ne disparaissent pas le jour où il ne sera plus de ce monde. Par ailleurs, il met en lumière un pan de l’Histoire des Noirs Américains jusque-là inconnu pour ma part, qui est celui du Registre des Noirs (The Book of Negroes comme le titre en VO d’Aminata), un document qui au XVIIIe siècle consignait les noms et une brève description des hommes, femmes et enfants ayant été au service des Britanniques lors de la guerre d’indépendance des États-Unis (appelés les Loyalistes Noirs). Ces derniers, dans le contexte avaient dû quitter New York en direction d’autres colonies Britanniques. Les embarcations étaient à destination de l’Angleterre, de l’Allemagne, du Québec et surtout de la Nouvelle Écosse au Canada. Nouvelle Écosse d’où ces anciens esclaves et descendants d’esclaves partiront pour former la colonie de Freetown au Sierra Leone vers la fin du XVIIIe siècle.

Malgré son caractère fictif, Aminata fut impliquée dans cette mission, ce qui lui permettra d’avancer un peu plus vers son but ultime qui était le retour sur sa terre natale. Enfin, on peut à travers son personnage percevoir cette image de femme qui refuse de rester à la place que la société lui assigne juste parce qu’elle possède un vagin et un utérus. En effet, dès son plus jeune âge, malgré le mépris et le désaccord ouvertement manifestés par les gens de sa communauté, Aminata apprenait avec avidité ce que son père voulait bien lui enseigner en matière de lecture et d’écriture. Par ailleurs, dès qu’elle fut en âge de comprendre, elle n’hésitera pas à suivre sa mère qui exerçait la profession d’accoucheuse afin d’apprendre elle-même le métier. Aptitude qui lui rendra grandement service aussi bien sur le bateau négrier que lorsqu’elle commencera sa vie d’esclave libre ayant besoin de moyens pour subsister. Je ne sais pas si réellement à l’époque le fait d’être instruit et de « paraître » plus intelligent que ce que le bourreau voulait bien voir de ses esclaves étaient en leur faveur, mais une chose est sûre, que ce soit au cours de l’Histoire ou à l’heure actuelle, être instruit, savoir se débrouiller et pouvoir comprendre le monde autour de soi constituent en eux-mêmes une forme de liberté ; surtout lorsqu’on est une femme.

Voilà, je vais m’arrêter ici. Il vaut clairement le détour mais peut-être pas après avoir lu autant de récits douloureux que ceux précédemment cités. Il est disponible ici.

Je vous dis à bientôt pour un nouvel article. Dans l’intervalle, prenez soin de vous.

Bisous.

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