Pourquoi tu danses quand tu marches – Abdourahman A. Waberi

Le livre et l’auteur

Aden Robleh avait l’habitude d’être mitraillé de questions par sa fille Béa lorsqu’il l’emmenait le matin à l’école. Jusqu’au jour où elle lui pose cette question : « papa, pourquoi tu danses quand tu marches ? ». Semblant anodine en sortant de la bouche de la petite, cette question ramènera ce dernier plusieurs années en arrière, sur sa terre natale, Djibouti. De son statut d’aîné chétif et maladif au roi de la rédaction avant son départ pour la France après le bac, Aden déroule pour sa fille le film de ses mémoires. Film marqué certes par des difficultés relationnelles avec ses parents et la moquerie de ses pairs mais également par l’affection implicite de sa grand-mère et la rencontre de personnes qui lui permettront de déployer ses ailes malgré sa différence.

Éditions : Folio (JC Lattès pour la parution initiale)

Pages : 224

Abdourahman A. Waberi est un écrivain d’expression Française, né à Djibouti en 1955. Après l’obtention de son bac, il part poursuivre ses études en France dans le domaine littéraire en 1985.

Il commencera à publier ses premières œuvres à partir de 1994, en parallèle de sa profession d’enseignant. Il recevra de nombreux prix pour sa bibliographie et ses œuvres seront traduites dans une douzaine de langues. Pourquoi tu danses quand tu marches ? partiellement autobiographique, a vu le jour en 2019. Abdourahman A. Waberi vit aujourd’hui entre la France et les États-Unis où il enseigne les littératures française, francophone et la création littéraire à l’Université de Washington. (Sources : Notes de l’éditeur, Wikipédia).

Mon ressenti

Un bon moment de lecture. La narration est faite à la première personne, à mi-chemin entre une lettre adressée à sa fille et une sorte de journal intime. Le récit est scindé en plusieurs « chapitres », non numérotés et de longueur inégale les uns par rapport aux autres. Les évènements du passé sont mêlés à quelques-uns du présent. La plume de Abdourahman Waberi est légère, sensible et très descriptive de l’environnement, des émotions et des personnes ayant marqué ce temps qu’il évoque dans son œuvre.  

En ce qui concerne maintenant le fond, comme je le mentionnais dans le résumé plus haut, on apprend très vite que le personnage principal Aden, aîné de sa fratrie, est de constitution plutôt fragile. Il vit avec ses deux parents et sa grand-mère paternelle, appelée affectueusement Cochise, en hommage à un célèbre chef Indien. Comme autres personnages, Aden fait mention de Dayibo, sa tante paternelle, n’ayant pas d’enfants et de Ladane, leur domestique dont il s’entichera au moment de l’adolescence.

L’action se déroule à Djibouti, essentiellement dans les « bas quartiers », occupés par la population locale tandis que les « hauts quartiers » sont occupés par les « Français de France » comme les appelle Aden ; dans un contexte de colonisation encore en cours. D’ailleurs, on apprend que Djibouti a d’abord été nommé Côte Française des Somalis puis Territoire Français des Afars et des Issas avant son indépendance (Djibouti a été le dernier territoire décolonisé de la France en 1977).

Aden a l’impression que sa mère lui porte peu d’affection, fait souvent l’objet d’attaques et de harcèlement de la part de certains élèves de son école. Sa situation empirera lorsqu’un jour il n’arrive plus à s’appuyer sur l’une de ses jambes, ce qui a pour conséquence une boiterie à la marche et l’impossibilité de suivre la cadence des rares camarades de jeux qu’il pouvait avoir.

Il trouvera alors refuge dans la littérature et sera encouragé sur ce chemin par les institutrices de son école. En dehors de ces dernières, l’autre personne qui semble le rassurer un peu et lui témoigner de l’affection est sa grand-mère Cochise dont il parle avec une grande sensibilité.

Ainsi, pour répondre à cette fameuse question que lui a posé Béa, sa fille, Aden ouvre les portes de sa mémoire et aborde des thèmes tels que l’amour maternel /parental ; la différence physique mais aussi de centres d’intérêt qui peut vous isoler de vos pairs ; le contexte colonial et le clivage entre les citoyens Français et le petit peuple ; la bouée d’air frais que peut représenter la littérature et le fait que parfois, il suffit que quelqu’un vous tende la main et croit en vous pour faire sortir votre plein potentiel.

J’ai été particulièrement touchée par la relation entre Aden et sa grand-mère, ayant à peu près vécu une relation similaire avec ma grand-mère maternelle qui nous a malheureusement quitté il y quelques années. Je me suis reconnue dans l’amour pour la littérature qu’a développé Aden, cette échappatoire de son quotidien mais aussi ce moyen qui lui a permis de se construire au-delà de son handicap.

Le seul reproche que je pourrais faire à cette œuvre, serait le regard posé par le narrateur sur le système colonial ; les « Français de France » ; où on a l’impression qu’il en ferait limite des éloges avec une tendance à dénigrer son environnement local. Cela étant, je me suis dit qu’il ne fallait pas perdre de vue le fait que l’auteur nous raconte une histoire du point de vue de son « moi » plus jeune, qui n’avait peut-être pas encore l’œil critique qu’un adulte Noir Africain ou Afro-descendant aurait aujourd’hui.

En somme, j’ai bien apprécié ma lecture et je suis contente de rajouter un auteur Djiboutien aux auteurs/autrices lus/lues dans ma vie jusqu’à présent. C’est court, on est embarqué dans une histoire plutôt émouvante, difficile mais porteuse d’espoir et on apprend quelques éléments historiques sur Djibouti. Je ne peux que vous le recommander.

« La mémoire est une force impérieuse, un courant qui emporte tout sur son passage. Impossible de la contrôler, impossible de lui échapper. »

Pourquoi tu danses quand tu marches ? est disponible ici.  Quant à moi, je vous dis à bientôt pour un nouvel article. Dans l’intervalle, prenez soin de vous.

Bisous.



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A PROPOS

La lecture m’accompagne au quotidien depuis quasiment mon enfance. Passionnée par les auteurs Africains, Afro-descendants et des minorités en général, je ne m’empêche pas d’explorer d’autres horizons lorsque j’en ai envie ou lorsqu’on me le propose. Depuis plus de 5 ans, je partage mon ressenti et mes avis aussi bien par ici que sur Instagram, Facebook et Twitter. Bienvenue, j’espère que la visite vous plaira et n’hésitez pas à me suivre sur mes réseaux sociaux pour plus d’échanges autour des livres. Annette.

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