Le livre et l’autrice

Bill Cosey était en apparence un homme charismatique, généreux, patron modèle d’un hôtel dans la communauté Afro-américaine au sein de laquelle il évoluait. Mais derrière les murs, l’ambiance était plus qu’électrique entre May, Christine et Heed, les femmes qui partageaient sa vie quotidienne. Quel lien les unissait aussi bien les unes aux autres qu’à Bill chacune individuellement ? Et qui est cette Junior qui débarque dans une maison prise entre deux feux ?

Éditions : Christian Bourgeois éditeur, version numérique.

Pages : impossible à définir sur cette version numérique.

Je ne reviendrai pas sur la vie de Toni Morrison, déjà mentionnée dans mon article sur Le Chant de Salomon, publié en 2017. Il faut juste rajouter que cette autrice au grand talent nous a quitté en 2019. Love est son huitième roman, publié en 2003 pour la version originale.

Mon ressenti

Fascinée. La vie de et autour de Bill Cosey nous est conté à travers neuf chapitres, tous écrits à la troisième personne. Ils mêlent des éléments du passé et du futur des femmes ayant « partagé » la vie de cet énigmatique personnage, en particulier les vécus de Junior ; L (oui il y a bien une personne nommée L) ; Christine ; May et Heed. Toni Morrison est demeurée fidèle à elle-même avec un style lyrique, complexe et suggestif, semant des indices tout au long de la lecture avant de lever le voile sur les interrogations qui se seraient accumulées au cours de notre progression.

Comme je le disais sur Instagram, Love est sa troisième œuvre que je lis après Le Chant de Salomon et L’œil le plus bleu (non chroniqué sur le blog). Et j’ai l’impression de ne vraiment mesurer l’ampleur de son talent que maintenant. Poursuivre la (re)découverte de sa bibliographie est désormais un de mes nouveaux objectifs en tant que lectrice.

Sur le fond maintenant, je ne pourrai pas en dire beaucoup au risque de vous dévoiler l’ensemble de l’intrigue alors qu’elle mérite vraiment de se laisser percer à jour. Cela dit, l’œuvre a pour point de départ l’arrivée de Junior, une jeune femme entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte dans la ville de Bill Cosey. Elle débarque en réponse à une annonce d’embauche publiée par une des « femmes Cosey ». Elle découvrira que les « femmes Cosey » restantes étaient deux, Heed et Christine et qu’elles ne pouvaient se voir en peinture alors qu’elles vivaient toutes les deux sous le même toit.

A partir de là, Toni Morrison tisse une toile où elle aborde divers thèmes. On y retrouve les questions d’inégalités sociales ; raciales et leurs conséquences ; la perte d’être chers et la modification des dynamiques familiales ; les trahisons ou encore les non-dits et les malentendus qui peuvent empoisonner une relation à vie. Chaque personnage a sa part d’ombre et de lumière. Autant une personne pouvait être appréciée à l’extérieur, autant elle pouvait être monstrueuse dans l’intimité.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Love n’est absolument pas une histoire d’amour. Je dirai même plutôt que Toni Morrison en a fait une très belle illustration de l’adage « de l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas ». C’est aussi une histoire de femmes, victimes à divers niveaux de l’absence de figure paternelle, de leur milieu social, de la manipulation dont peut faire preuve une personne de pouvoir ou encore de la « solidarité masculine ».

En bref, Love nous emmène dans un puzzle relativement compliqué, nécessitant de prêter attention aux détails, quitte à prendre des notes pour recouper le tout une fois que les pièces se mettent en place. Et la fin est juste épique. Je ne m’y attendais absolument pas. Je recommande donc mais à un public averti, qui a peut-être déjà lu d’autres publications de Toni Morrison ou qui est prêt à prendre son temps pour suivre pas à pas l’histoire qu’elle nous conte. Il est disponible ici.

Quant à moi, je vous dis à bientôt pour un nouvel article. Dans l’intervalle, prenez soin de vous.

Bisous.