Les vies d’après – Abdulrazak Gurnah *

Le livre et l’auteur

Quatrième de couverture : Alors petit garçon, Ilyas a été arraché à ses parents par les troupes coloniales allemandes de l’est de l’Afrique. Après des années d’absence et de combats, il parvient enfin à regagner la petite ville portuaire de son enfance. Ses parents ne sont plus là et sa sœur adorée Afiya a été adoptée. Hamza fait également son retour dans la ville. Lui n’a pas été rapté pour combattre, mais vendu à un officier irascible et pervers qui l’a marqué à vie. Sans un sou en poche, il cherche un travail et un toit, puis rapidement à conquérir le cœur de la douce Afiya. Alors que ces jeunes survivants tentent de reconstruire leur vie, l’ombre d’une nouvelle guerre menace de les emporter de nouveau. De ces destins qui se croisent et résonnent naîtront les vies d’après, tributaires du poids du passé. Abdulrazak Gurnah parvient une fois de plus à donner magnifiquement corps et voix aux oubliés de l’Histoire.

Éditions : Denoël

Pages : 384

* : Œuvre reçue gratuitement par la boutique Africa Vivre dans le cadre d’une collaboration non rémunérée.

Abdulrazak Gurnah, né en décembre 1948 à Zanzibar en Tanzanie, dans une famille Yéménite, est un romancier d’expression Anglaise, vivant au Royaume-Uni. Il a enseigné à l’Université du Kent, a supervisé le travail de nombreux autres auteurs de renom et est auteur lui-même de plusieurs romans dont trois traduits en Français. Il a reçu le Prix Nobel de Littérature en 2021. Ses écrits portent surtout sur le colonialisme et ses retombées dans la région qui l’a vu naître.

Les Vies d’après (Afterlives en VO) est son dernier roman, publié en 2020, traduit en Français en 2023. (Sources : quatrième de couverture, Wikipédia).

Mon ressenti

Partagée. Le récit court sur quinze chapitres, répartis en quatre parties. Il est écrit à la troisième personne et couvre la première moitié du XXe siècle, notamment une partie des deux guerres mondiales, sur fond de contexte colonial en Afrique de l’Est. Le style de Gurnah est plutôt direct, sans fioritures, mettant à nu les parcours de vie de chacun de ses personnages.

En ce qui concerne maintenant le fond, donner un avis dessus est plutôt difficile. En effet, en dehors des trois personnages mentionnés sur la quatrième de couverture, le récit fourmille d’autres protagonistes d’importance plus ou moins variée, d’éléments linguistiques multiples (mots en Allemand, en Arabe, en Kiswahili) et de nombreux détails historiques sur cette région et cette époque. Cela dit, l’auteur réussit à créer une atmosphère permettant à ceux qui le peuvent ou le souhaitent d’occulter tout cet arrière-plan pour se concentrer sur le vécu de ceux que nous suivons.

Ainsi, on fait la connaissance d’Ilyas, enlevé par les Allemands, avant d’être confié à l’un des leurs qui l’instruira. Il gardera un souvenir tellement « positif » de cette période (pense que les Allemands sont forts et bienveillants) qu’il décidera de se joindre à l’armée Allemande (il souhaitait devenir un « Askari ») dans leur combat contre les Alliés lors de la première guerre mondiale. Cela se fera après qu’il ait retrouvé sa petite sœur Afiya, contrairement à ce qui est écrit sur la quatrième de couverture. On ne le suivra que très peu.

Afiya, sa sœur, a été élevée par des voisins après la perte de leurs parents dans leur village d’origine, avant d’être récupérée par Ilyas. Le retour de celui-ci aura un impact considérable sur sa vie. Hamza, quant à lui, « travaillait » chez un commerçant avant de s’enfuir pour intégrer l’armée coloniale Allemande. Après un certain temps de service, il retournera « en ville » (sans franche précision), pour tenter de reprendre une vie « normale » (là aussi, petite discordance entre la quatrième de couverture et le fond). Ce sont surtout eux deux que nous suivrons au fil des pages.

A travers leurs trajectoires de vie, Gurnah évoque les thématiques de la colonisation Allemande en Afrique de l’Est (territoires actuels du Burundi, du Rwanda et la partie continentale de la Tanzanie), sa violence et le racisme des colons ; les mouvements locaux de résistance (révolte d’Abushiri, résistance des Wahehe, rébellion des Maji-Maji; je vous laisserai faire vos petites recherches) ; la guerre et ses ravages aussi bien pour ceux qui la font que pour ceux qui la subissent ; la dualité de perception de l’envahisseur, vu par certains comme de bons samaritains au point de vouloir faire la guerre pour eux (Ilyas) ou avec eux pour étendre leur domination localement (#SyndromeDeStockolm) alors qu’ils peuvent se révéler d’une cruauté sans pareil ailleurs (Hamza) ; la violence domestique et la maltraitance infantile. Mais il est aussi question de solidarité ; d’espoir ; de reconstruction de soi ; de guérison, d’amour et d’inconnus qui deviennent la famille.

« Les askaris laissaient derrière eux des terres dévastées, des populations affamées et massacrées par centaines de milliers, dans leur aveugle et meurtrière adhésion à une cause dont ils ignoraient l’origine et les vaines aspirations, et qui était en réalité destinée à les asservir ». p. 129.

Le travail de Gurnah est remarquable, recréant la mixité culturelle qu’il y a dû y avoir dans ces lieux à cette époque avec un décor mimant la vie réelle (personnages principaux mais aussi secondaires régulièrement mentionnés). Je peux affirmer avoir appris de nouvelles choses au cours de ma lecture. Cependant, cette richesse du récit peut également constituer un défaut. En effet, par moments, on a l’impression de lire un manuel scolaire au vu des nombreux détails historiques donnés par l’auteur. Enfin, certains personnages manquaient de développement ou n’apportaient pas grand-chose à l’histoire selon moi. Et le dénouement m’a semblé un peu abrupt et étrange.  

En somme, Abdulrazak Gurnah nous livre une œuvre complète dont on ne ressort pas indemne malgré quelques éléments pouvant alourdir la lecture. Son prix Nobel de Littérature est amplement mérité à mes yeux et je n’hésiterai pas à l’avenir à lire une autre de ses œuvres traduites en Français. Les Vies d’après est disponible ici. Sur ces mots, je vous dis à bientôt pour un nouvel article. Dans l’intervalle, prenez soin de vous.

Bisous.

Pour aller plus loin :

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/01/tanzanie-le-president-allemand-demande-pardon-pour-les-massacres-a-l-epoque-coloniale_6197674_3212.html



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A PROPOS

La lecture m’accompagne au quotidien depuis quasiment mon enfance. Passionnée par les auteurs Africains, Afro-descendants et des minorités en général, je ne m’empêche pas d’explorer d’autres horizons lorsque j’en ai envie ou lorsqu’on me le propose. Depuis plus de 5 ans, je partage mon ressenti et mes avis aussi bien par ici que sur Instagram, Facebook et Twitter. Bienvenue, j’espère que la visite vous plaira et n’hésitez pas à me suivre sur mes réseaux sociaux pour plus d’échanges autour des livres. Annette.

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