En attendant le vote des bêtes sauvages – Ahmadou Kourouma

Le livre et l’auteur

L’heure des comptes a sonné pour le Général Koyaga, président de la République du Golfe. Au cours d’une cérémonie purificatoire en six veillées, c’est sa vie, racontée par son griot qui se dévoile. De ses ancêtres, sa naissance jusqu’à sa prise de pouvoir, entouré de personnes exerçant magie et mystère, c’est l’histoire de toute une vie, une carrière politique entachée par le sang qui prend forme sous nos yeux à travers un récit au ton décalé.

Éditions : Édition du seuil

Pages : 400

Ahmadou Kourouma, d’origine Malinké où son nom signifie « guerrier » est né en novembre 1927 en Côte d’Ivoire. Après avoir grandi à Bamako (Mali), il est envoyé comme « tirailleur sénégalais » en Indochine dans les années 50 pour le compte de la France avant de rejoindre la métropole faire des études de mathématiques et d’actuariat à Lyon. Lorsqu’il retourne vivre en Côte d’Ivoire, dans les années 60, à la suite des indépendances, il développe très vite un regard critique sur les régimes post-coloniaux et connaitra de ce fait prison et exil dans divers pays avant de retourner dans son pays natal.

Son premier roman Les Soleils des Indépendances parait en 1968, suivi par Monnè, Outrages et Défis en 1988 puis En Attendant le Vote des Bêtes Sauvages en 1998, qui obtiendra le Prix du Livre Inter. Suivront Allah n’est pas obligé, paru en 2000, qui obtiendra le Prix Renaudot et le Prix Goncourt des Lycéens – d’ailleurs, Ahmadou Kourouma sera récompensé cette année pour l’ensemble de son œuvre par le Grand Prix Jean-Giono – et enfin Quand on refuse, on dit non, la suite d’Allah n’est pas obligé, publié en posthume en 2004.

Ahmadou Kourouma était marié et père de 4 enfants. Il décède en 2003 à Lyon et sa dépouille est transférée en novembre 2014 en Côte d’Ivoire, son pays natal. (Sources : Wikipédia et Babelio).

Mon ressenti

Lecture très intéressante, vraiment. Comme souvent, En attendant le vote des bêtes sauvages, fait partie de ces œuvres dont j’ai entendu parler au lycée sans pouvoir le lire à l’époque. Tout comme Les soleils des Indépendances, autre œuvre connue et reconnue d’Ahmadou Kourouma qu’il me tarde de lire. Je disais donc que ce fut une lecture très intéressante, et ce pour plusieurs raisons.

La première, le style de l’auteur. Ahmadou Kourouma maitrise le sarcasme, l’ironie et la satire à la perfection. Après ce récit à travers lequel je le découvre, je lirai deux autres de ses romans et je retrouverai à chaque fois cette façon d’écrire qui lui est assez propre où l’on a l’impression d’être dans un conte avec des personnages fantastiques, qui tour à tour prennent la parole et ont l’air de rire de la situation alors qu’elle est tout sauf drôle. Le ton est incisif, direct et il n’hésite pas à décrire des scènes qui pourraient en choquer plus d’un (les tortures perpétrées sur les prisonniers d’État avant leur exécution par exemple). Il ne déroge pas non plus au caractère double de toute chose en Afrique Noire où se mêlent visible et invisible. Cependant, autant la narration est rythmée, autant à un moment, le style se fait répétitif et on commence à s’en lasser. Un peu comme un refrain qui revient trop souvent. Du moins, c’est ce que j’ai ressenti. Cela dit, cette impression n’a été marquée que vers la fin du récit, ce qui m’a poussé à survoler les dernières pages…

En second lieu et le plus important, le contenu. A travers son roman, Ahmadou Kourouma s’attaque à une partie des dictateurs que l’Afrique a pu connaitre au lendemain de la « décolonisation ». Il commence par le personnage principal de l’histoire qui n’est autre que Koyaga, Président de la République du Golfe, issu de la Tribu des hommes nus au Nord du pays. Il est présenté comme un être bénéficiant de la protection de Nadjouma, sa mère grâce à un aérolithe (météorite) qu’elle possède et de la protection d’un marabout, possédant lui une version particulière du Coran. Après avoir combattu pour la France en Indochine puis en Algérie, il revient dans son pays et prend le pouvoir de force par un coup d’État.

Après ce coup d’État par lequel il réussit à se hisser à la tête de la République du Golfe, Koyaga décide de rendre visite à ses collègues, autres dictateurs renommés de l’Afrique post-coloniale que sont, dans l’ordre de son voyage : l’homme au totem Caïman de la République des Ébènes ; l’homme au totem Hyène du Pays des Deux Fleuves ; l’homme au totem Léopard de la République du Grand Fleuve, l’homme au totem Lièvre de la République des Monts et enfin l’homme au totem Chacal du Pays des Djebels et du Sable ; pour apprendre comment gérer sa nouvelle « République ».

Ainsi, à leurs côtés, il apprendra diverses leçons telles que : la nécessité d’un parti Unique ; la non-séparation entre les caisses de l’État et sa caisse personnelle ; l’usage du mensonge à ses fins (quel peuple irait mettre en doute les paroles de son Chef d’État ?) ; le recours sans hésitation à la torture pour démasquer les vrais amis des faux parmi ses proches ; la place capitale de la prison dans un pays à Parti Unique (dès qu’une tête ne lui plait pas, ou en cas de différend personnel, on saura où mettre ces gens) ; la nécessité de faire la fête aussi souvent que possible en ne s’occupant du peuple qu’à la dernière minute avec des mesures répressives si nécessaire et bien d’autres « conseils » encore plus aberrants les uns que les autres.  

Le récit peut sembler complètement tiré par les cheveux mais avec du recul, l’on se rend compte qu’il s’agit en fait d’un véritable document historique dans la mesure où ces personnages désignés par des titres honorifiques font référence à des présidents Africains ayant réellement existé. Je ne souhaite pas spoiler l’œuvre d’autant plus que je me rappelle encore la surprise et la « satisfaction » ressenties lorsque j’ai compris ce qu’il se passait dans le roman. Ceux qui me suivent sur Twitter ont certainement déjà vu passer le tweet (il y a un moment maintenant) où je me posais des questions par rapport à l’identité réelle de Koyaga sur laquelle j’avais une petite idée.

En somme, Ahmadou Kourouma réussit un coup de maitre en mêlant œuvre politique et fantastique. Je ne pense même pas en avoir assez parlé dans cet article mais à vouloir trop en dire, je risque d’en dévoiler un peu trop et je pense que c’est au lecteur même, surtout s’il est jeune Africain, de faire ses recherches afin de reconstituer une partie de l’histoire de ces personnages qui ont marqué leurs pays. Pour ma part, je pense le relire un jour – encore une fois après avoir lu tous les bouquins notés sur ma wish-list et ceux entassés dans ma pile à lire – pour me replonger dans l’histoire de Koyaga et ses compères.

Cet article se termine ici. Le livre est disponible . A bientôt pour un nouvel article. D’ici là, prenez soin de vous.

Bisous.

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Une réponse à « En attendant le vote des bêtes sauvages – Ahmadou Kourouma »

  1. […] biographie d’Ahmadou Kourouma ayant été déjà abordée dans l’article sur son œuvre En attendant le vote des bêtes sauvages, je vous invite à aller le lire – si ce n’est pas déjà fait – pour en prendre […]

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A PROPOS

La lecture m’accompagne au quotidien depuis quasiment mon enfance. Passionnée par les auteurs Africains, Afro-descendants et des minorités en général, je ne m’empêche pas d’explorer d’autres horizons lorsque j’en ai envie ou lorsqu’on me le propose. Depuis plus de 5 ans, je partage mon ressenti et mes avis aussi bien par ici que sur Instagram, Facebook et Twitter. Bienvenue, j’espère que la visite vous plaira et n’hésitez pas à me suivre sur mes réseaux sociaux pour plus d’échanges autour des livres. Annette.

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