Le livre et l’autrice
Alors qu’elle est invitée pour donner une conférence au TEDxEuston, colloque annuel consacré à l’Afrique, Chimamanda Ngozi Adichie évoque au travers d’anecdotes et de souvenirs de son enfance la problématique du féminisme et la nécessité de repenser l’éducation de la société aussi bien pour les femmes que pour les hommes.
Éditions : Folio 2€
Pages : 80
Nul besoin de vous présenter à nouveau Chimamanda Ngozi Adichie. J’en avais déjà parlé dans mon article sur Americanah. Depuis j’ai lu L’autre moitié du soleil dont je n’ai jamais parlé ici. Et de façon plus récente, je me suis attaquée à son célèbre discours sur le féminisme retranscrit dans l’œuvre faisant l’objet de cet article. Nous sommes tous des féministes a vu le jour en 2014 et est une version modifiée de son discours tenu lors du colloque TEDxEuston en 2012. Il est suivi dans cette œuvre par un autre de ses célèbres discours, Le danger de l’histoire unique.
Mon ressenti
Conquise. J’ai éprouvé un énorme plaisir à retrouver la façon dont Chimamanda Adichie s’exprime. Le discours est franc et on a l’impression, en lisant ces lignes, de la voir devant soi, arborer ce léger sourire, que je trouve, la caractérise beaucoup. Un sourire confiant sans être méprisant ou dédaigneux. Le sourire de quelqu’un qui sait de quoi il/elle parle. Elle s’adresse à tout le monde et la compréhension du texte est aisé avec les nombreux exemples tirés de sa vie personnelle qui le jalonnent.
Cette œuvre a été (et est toujours d’ailleurs) très encensée depuis sa parution. J’hésitais à la lire, pensant en avoir assez entendu sur le féminisme. Mais je me trompais. J’ai encore appris des choses à la suite de cette lecture et j’avais presque envie de dire « Amen » constamment.
Elle commence son discours avec une situation issue de son adolescence où elle fut très tôt désignée comme étant une « féministe » par un ami proche, terme qui d’emblée, lui parut péjoratif. Puis au fur et à mesure qu’elle intégrait que féminisme rimait avec « haine des hommes » au Nigeria (et probablement pas que là) ; par ailleurs dans une société où les femmes étaient éduquées pour attendre l’approbation des autres, être aimées par les autres (les hommes majoritairement), elle finirait par se définir comme une « Féministe Africaine Heureuse qui ne déteste pas les hommes, qui aime mettre du brillant à lèvres et des talons hauts pour son plaisir, non pour séduire les hommes » p. 20.
Ainsi, tout au long de son discours, elle distille des éléments permettant d’aborder la question du féminisme comme étant je dirai, une question d’éducation. Par exemple, une femme ne peut pas se rendre seule dans un hôtel sans qu’on ne se demande qui elle va y retrouver. Une femme ne peut occuper un poste à responsabilité en étant ferme sans qu’elle ne passe pour une femme « agressive » contrairement à ses collègues masculins. Une femme ne peut pas régler l’addition dans un restaurant lorsqu’elle est accompagnée par un homme, l’argent vient probablement du monsieur (exemple plutôt tiré du vécu au Nigeria).
De l’autre côté, l’éducation des hommes les dessert dans la mesure où il est appris à ces derniers à taire leurs émotions, leurs faiblesses et leur vulnérabilité. On attend d’eux qu’ils assument un « rôle », qu’ils soient « durs » pour prouver leur virilité. Ce qui finalement a pour conséquence, comme le dit, Chimamanda Adichie de fragiliser leur égo. Et les filles en retour doivent apprendre à ménager cet égo en se sous-estimant, en se ratatinant et n’aspirant pas à dépasser le cadre que la société leur impose.
Son discours pourrait passer pour une succession de toutes les injustices subies par les femmes dans ce monde parce qu’elles sont des femmes, et sembler résigné mais elle apporte des éléments de perspective. En effet, qui parle d’éducation parle de quelques chose qui peut se défaire. Ainsi, à ceux qui disent que « l’infériorité de la femme » par rapport à l’homme est culturelle, Chimamanda répond « la culture ne crée pas les gens. Les gens créent la culture. » p. 50.
Le féminisme prône l’égalité sociale, politique et économique entre les hommes et les femmes. C’est donc un travail collectif à mener, pour changer les mentalités collectives. Il y aurait encore beaucoup à dire sur son discours mais je préfère vous encourager à aller le lire plutôt que de tout dévoiler dans mon article.
Quant à son second texte sur Le danger de l’histoire unique, elle nous invite quelque part à ne pas rester « enfermé » dans nos vies. Les histoires que nous entendons et même que nous nous racontons, façonnent la vision du monde que nous avons. Toujours pour illustrer ses propos, elle donne l’exemple de sa colocataire Américaine qui n’avait entendu que des histoires catastrophiques sur l’Afrique et qui était étonnée que Chimamanda lui ressemble plus finalement qu’elle ne le pensait. Inutile de revenir sur comment l’histoire des pays Africains a été écrite et retenue au fur et à mesure de ces dernières années…
Enfin, ce texte met en garde sur le fait de retomber dans le piège de « l’histoire unique » même lorsqu’on est une personne je dirai « ouverte » et encourage justement à chercher les différentes versions de ce qui nous est proposé tout au long de notre vie. « Les histoires comptent. La multitude des histoires compte. Des histoires ont été utilisées pour déposséder et pour calomnier, mais des histoires peuvent aussi servir à reprendre du pouvoir et à humaniser. Des histoires peuvent briser la dignité d’un peuple, mais des histoires peuvent aussi restaurer cette dignité brisée. » p. 72.
En somme, je recommande. Je pense le relire (encore un autre) pour mieux m’en imprégner et sortir certaines « punchlines » à l’occasion. Il est disponible ici.
On se retrouve bientôt pour un nouvel article. Dans l’intervalle, prenez soin de vous.