Le livre et l’autrice

Quatrième de couverture : « Depuis que ma mère m’avait appris qu’on allait me marier à Eli, j’avais l’impression de porter nos deux familles en équilibre sur la tête comme une bassine pleine à ras bord. Il est difficile d’être la clé du bonheur des autres, de leur victoire, l’instrument de légitimation de leurs actes. » Afi Tekple vit seule avec sa mère dans une petite ville du Ghana lorsqu’elle se voit offrir l’opportunité qui changera leurs vies : une demande en mariage de la riche famille d’Elikem Ganyo. Mais dès le début, tout s’avère compliqué, à commencer par la cérémonie à laquelle le marié n’assiste pas… sans doute à la demande de la femme qu’il aime – et que sa famille désapprouve. En essayant de faire fonctionner ce mariage, Afi va surtout se donner les moyens d’acquérir une indépendance qu’elle n’aurait jamais osé imaginer pour elle-même.

Éditions : Éditions de l’aube

Pages : 298

*: Œuvre reçue gratuitement par la boutique Africa Vivre dans le cadre d’une collaboration non rémunérée.

Peace Adzo Medie est une universitaire, autrice de fiction et de non-fiction Ghanéenne d’origine Libérienne née en 1981. Ses recherches portent sur le genre, la politique et les conflits armés.

Sa seule épouse (His Only Wife en VO) est son premier roman paru en 2020 et traduit en Français en 2023. Il a déjà été traduit en plusieurs langues. (Sources : Wikipédia et quatrième de couverture).

Mon ressenti

Intéressant. L’histoire d’Afi nous est racontée par elle-même en treize chapitres. L’écriture est directe, un peu comme dans un journal intime. Des éléments de la langue locale, qu’est l’Eve/Ewe sont insérés tout au long du récit, permettant de rendre le texte encore plus fidèle à la réalité vécue par Afi. Et petit plus pour moi, l’Ewe étant ma langue natale, j’ai ressenti une certaine proximité avec les faits rapportés.

Ainsi, comme mentionné dans le résumé, nous sommes invités dans la vie d’Afi, jeune femme au début de sa vingtaine, orpheline de père, issue d’un milieu plutôt modeste qui se retrouvera propulsée au statut d’épouse d’Elikem Ganyo, riche jeune homme Ghanéen après un mariage arrangé. Mais celui-ci ne semble pas accorder la même valeur à cette union, étant déjà en relation avec une autre femme, mère de ses enfants. Commence alors pour elle une lutte pour se faire accepter par celui-ci comme la seule femme de sa vie en parallèle de la réalisation de ses rêves personnels.

A travers son histoire, Peace Adzo Medie aborde différentes thématiques comme celles du mariage arrangé et de ses conséquences (droit de regard de la part des familles sur ce qui se passe chez vous jusque dans votre intimité) ; des « vautours » familiaux qui sont aux abonnés absents lorsque vous êtes en difficulté mais se dépêchent de rôder autour de vous lorsque votre situation sociale et financière s’améliore ; de la relation parent-enfant dysfonctionnelle où le parent impose sa volonté à l’enfant sous couvert du « je sais ce qui est mieux pour toi » ou encore celle où l’enfant se sent obligé de rendre son parent heureux quitte à ce que cela lui coûte son bonheur individuel.

Mais il est aussi question du poids des apparences dans la société Ghanéenne avec le « pouvoir » et le statut que peut conférer une situation économique confortable ; de différences de milieu social et du complexe d’infériorité qui peut en découler ; de la pression qui repose sur les femmes de qui il est attendu qu’elles « tiennent leur foyer » (comme si elles y étaient seules) et d’indépendance financière qui est une notion capitale pour celles-ci si elles ne souhaitent pas subir leur vie plutôt que de la construire selon leurs termes.

J’ai apprécié l’évolution d’Afi qui passe de la jeune fille naïve et rêveuse à une femme déterminée en amour et businesswoman à succès. Sa mère m’a agacé mais il faut la comprendre, elle a dû élever sa fille seule au décès de son mari. Puis il faut dire qu’elle finira par ouvrir les yeux sur certains éléments douteux de la nouvelle vie de sa fille. Elikem est lâche et ne mérite pas une once de considération. Sa famille – à quelques exceptions près – est tout autant à jeter mais je ne souhaite pas vous spoiler l’ensemble de l’œuvre. J’ai également apprécié les personnages secondaires tels que Mawusi, une des cousines d’Afi qui fait office de meilleure amie et confidente, ou encore Evelyn ; petite amie d’un des frères d’Elikem qui sera pour elle une écoute attentive et source de conseils plutôt avisés.

Le tout est servi sur fond de description d’une société Ghanéenne à la frontière entre modernité (vie de luxe à l’occidentale à Accra par exemple) et traditions (cérémonie de la dot, mariage célébré uniquement auprès de la famille, respect des aînés même si ces derniers ne se comportent pas comme les aînés qu’ils sont…) avec finalement une œuvre imprégnée de la mise en avant des femmes, de leurs choix et de leurs vies diverses et variées. L’écriture est fluide et ne tombe pas dans la mièvrerie ou dans l’excès malgré les déboires d’Afi.

Je n’ai pas vraiment de point négatif à souligner par rapport à ma lecture. J’y allais en mode découverte et je n’ai pas été déçue.

Je recommande pour qui veut passer un bon moment sans prise de tête avec une immersion dans une partie de la culture Ghanéenne notamment chez les Ewe. Pour un premier roman, Peace Adzo Medie m’a conquise. Il est disponible ici. Quant à moi, je vous dis à bientôt pour un nouvel article. Dans l’intervalle, prenez soin de vous.

Bisous.