Le livre et l’auteur
Chamdi, jeune garçon de 10 ans, n’a toujours connu que la cour de son orphelinat bordée de bougainvilliers. Derrière ses murs, il s’imaginait la ville de Bombay, pleine de couleurs et de chants, sans aucune trace de tristesse. Aussi lorsqu’il apprit que l’orphelinat allait à sa perte, il décida de partir à la recherche de son père dans les rues de cette ville qui le fascinait alors qu’il n’en connaissait rien. Muni uniquement du drap dans lequel ce dernier l’avait déposé à l’orphelinat, Chamdi se rendit bien vite compte que le monde des adultes en dehors de l’orphelinat était loin de ce qu’il avait imaginé. Recueilli par Sumdi et Guddi, deux enfants de la rue, Chamdi vit ses principes chrétiens mis à rude épreuve. Mais la loi de la rue était la plus forte et il fallait survivre. Perdu dans le chaos, avoir quelqu’un avec qui marcher permit à Chamdi de se relever et de continuer à vivre.
Pages : 236
Editions Philippe Rey
Anosh Irani est un dramaturge et romancier indo-canadien né en 1974 et ayant grandi à Mumbai (Bombay) avant de déménager au Canada (précisément à Vancouver) en 1998 pour poursuivre ses études ainsi que l’écriture. Il est diplômé de l’université de British Columbia.
Anosh Irani est l’auteur de nombreuses œuvres reconnues et récompensées dont fait partie justement Le chant de la cité sans tristesse (The song of Kahunsha en VO) qui fut un best-seller international. Il a d’abord été publié en 2006 – 2007 avant d’être réédité en 2018. On peut également citer : Bombay Black (sa deuxième pièce de théâtre) et The Parcel (son troisième roman, traduit en français sous le titre « Le Colis »). Ses écrits ont été traduits dans onze langues.
Il est actuellement enseignant d’écriture créative à l’université Simon Fraser de Vancouver. (Sources : Wikipédia et Babelio).
Mon ressenti
Mon avis est légèrement partagé. Je fus touchée par l’histoire de Chamdi mais l’ai trouvé un peu décousue par moments et suis restée sur ma faim en ce qui concerne le dénouement final. Au départ, il s’agissait surtout pour Chamdi de retrouver son père puis l’enchaînement des événements aboutit à une fin totalement différente (je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler). Ainsi nous suivons Chamdi qui découvrira la dure réalité de la vie à Bombay, où rien n’est garanti, où les adultes ne sont pas forcément aussi gentils et généreux que la directrice de son orphelinat et où il faut se battre pour (sur)vivre.
Sumdi et Guddi, un frère et sa sœur, habitués à vivre dans la rue avec leur mère depuis la mort de leur père remarqueront tout de suite l’arrivée du « nouveau » dans leur secteur et le prendront sous leurs ailes. Sumdi, malgré son jeune âge est déjà marqué par la vie et choque Chamdi en fumant par exemple, en utilisant de gros mots ou encore en faisant des blagues douteuses sur la sexualité. De plus, il était très lucide en ce qui concernait le fait de pouvoir survire dans la rue et avertit Chamdi qu’il ne suffisait juste pas d’une belle tête et de savoir lire ou écrire pour attendrir les gens. C’est lui qui sera à la tête du petit trio et qui égayera un peu l’atmosphère malgré sa jambe handicapée, son mauvais état général et la souffrance que peut lui causer le fait de voir sa mère dans l’état dans lequel elle avait sombré à la suite du décès de leur père. Guddi, plus calme, plus douce, sera celle pour qui Chamdi développera un petit faible, surtout lorsqu’il l’entendra chanter pour la première fois.
Chamdi apprendra à leurs côtés que les rues de Bombay étaient organisées en secteur avec à leurs têtes des sortes de chefs de gangs redoutables qu’il valait mieux ne pas offenser. Les gains dans une journée (mendicité, vols) leur revenaient avant qu’ils n’en fassent la redistribution. Le leur ayant pour nom Anand Bhai était l’un des plus craints et n’hésitait pas à malmener les enfants qui tombaient sous son joug. Ou tout autre personne lui devant quelque chose.
Au cours de ses aventures dans ce nouveau monde, Chamdi sera amené à être témoin puis complice involontaire des affrontements entre Musulmans et Hindous. Il subira des pertes douloureuses et connaîtra le désespoir. Il finira quelque part par accepter de travailler pour Anand Bhai, tant que cela lui permettait de rester auprès de Guddi…
L’histoire de Chamdi n’est pas un cas isolé. En Inde, et surtout à Bombay, des milliers d’enfants vivent dans la rue. Plusieurs d’entre eux ont dû fuir leurs familles parce que maltraités et abusés, le tout sur fond de pauvreté. Ces enfants font tout ce qu’ils peuvent pour se trouver à manger et rester en sécurité mais la rue n’a rien de sûr et ils restent exposés à divers dangers.
Quant aux tensions entre Hindous et Musulmans, leurs origines ne sont pas clairement connues mais, selon les historiens, il s’agirait d’un mélange entre des causes culturelles, économiques, idéologiques, religieuses, etc. Le récit de Chamdi prend place dans les émeutes de 1993, à la suite de la destruction d’une mosquée à Ayodhya (cité antique localisée dans la province d’Uttar Pradesh au Nord de l’Inde). Cette mosquée siégerait sur le lieu où se serait trouvé le temple du seigneur Rama (ou Ram, supposément né sur les lieux et vénéré par les Hindous), avant qu’il ne soit détruit par un chef Moghol nommé Babur qui y construisit ladite mosquée. Les Hindous l’auraient donc à leur tour réduite en poussières en espérant y reconstruire le temple du seigneur Rama.
Le conflit par rapport à Ayodhya est toujours d’actualité puisqu’un terrain d’entente n’a pas encore vraiment été trouvé. Bien que le Tribunal d’Allâhâbâd (ville située également dans l’Uttar Pradesh), après avoir confirmé que la mosquée était bien construite sur les ruines d’un temple Hindou, ait statué sur une partition du territoire entre les deux communautés, la communauté musulmane a fait recours et l’affaire est actuellement traitée par la Cour Suprême de l’Inde…
En somme, Anosh Irani, à travers les yeux innocents et candides de Chamdi met en lumière à la fois la condition difficile des enfants de rue ainsi que le climat de tension entre musulmans et Hindous au cœur de Bombay. Le livre a un côté tellement innocent et déchirant que l’on souhaiterait prendre ces enfants dans ses bras pour les éloigner de toute cette souffrance et les mettre en sécurité. Cependant, j’ai été un peu dérangée par le temps choisi pour raconter les faits, qui donnait une impression d’évolution de l’histoire par à-coups et non pas une évolution fluide. Puis la fin m’a paru inachevée. Mais il reste un bon livre pour se rendre compte de l’horreur que cela peut être de se retrouver à la rue, du jour au lendemain, surtout lorsque l’on a aucune ressource. Il permet également d’en apprendre un peu plus sur les conflits intercommunautaires en Inde, que j’ignorais personnellement avant de me lancer dans cette lecture.
J’ai répertorié à la fin de cet article les liens qui m’ont permis de me documenter au cours de la rédaction de cet article. Le livre est disponible ici. Je termine en vous souhaitant de bonnes vacances et à bientôt pour un nouvel article.
Prenez soin de vous, bisous.
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