En attendant la montée des eaux – Maryse Condé

Le livre et l’autrice

Babakar, médecin à l’existence relativement paisible en Guadeloupe, terre natale de sa mère, se retrouve réveillé en pleine nuit par Movar, clandestin Haïtien. En effet, Reinette Ovide, sa compagne vient de décéder en couches. Une fois la stupeur passée, il prend la décision d’adopter sa progéniture. Mais il se retrouve rapidement confronté aux dernières volontés de la défunte : ramener sa descendance sur sa terre natale Haïti. Alors, après avoir fait connaissance, les deux hommes prennent la route d’Haïti sans se douter une minute de ce qui les attend sur place.

Éditions : JC Lattès en format numérique

Pages : 364 pages environ.

Maryse Condé n’est plus à présenter. Vous retrouverez une partie de sa biographie dans mon article sur Ségou, tome I : Les Murailles de terre. En attendant la montée des eaux est son quatorzième roman, paru en 2010.

Mon ressenti

Un bon moment de lecture. Maryse Condé fait définitivement partie des autrices que j’aime lire. Elle manie la langue Française de façon à ne laisser aucun répit au lecteur. Aussi bien dans les moments de joie que de malheur. L’histoire en elle-même est divisée en « récits » où chaque protagoniste se retrouve à raconter son vécu, son point de vue. Enfin, les évènements se déroulent à cheval entre l’Afrique (le Mali) et les Antilles (Guadeloupe et Haïti), en passant par le Moyen-Orient (Liban).

Ainsi nous suivons régulièrement surtout Babakar, Movar et Fouad (celui ayant recueilli les sœurs de Movar à son départ d’Haïti), à qui viennent se rajouter toutes les autres personnes gravitant autour d’eux. Le tout sur fond d’histoire politique d’un pays limitrophe du Mali et celle d’Haïti.

Movar ouvre le bal des confidences en contant son parcours à Babakar. N’ayant malheureusement connu que la misère dans sa vie, il décida de partir en Guadeloupe après un incident qui aurait pu lui coûter la vie. Il remarque Reinette avant qu’ils n’embarquent tous les deux pour l’île voisine. Mais celle-ci ne lui prêtera attention que bien plus tard. Brisé par la perte de celle-ci, il se donnera pour mission de respecter coûte que coûte ses dernières volontés.

Movar est plutôt touchant dans sa façon d’être. Il est juste un jeune homme à qui la vie n’a pas souri, débrouillard, qui est tombé amoureux et qui fera son possible pour retrouver sa compagne défunte, peu importe le prix à payer. Avec lui, on découvre effectivement les difficultés auxquelles la jeunesse Haïtienne fut confrontée dans les suites de la révolution mais aussi les croyances et les coutumes de cette terre meurtrie. Fidèle, il ne sera jamais bien loin lorsque Babakar en aura besoin.

Vient ensuite Babakar, personnage principal de l’œuvre. Issu de l’union d’un Bambara Malien et d’une Guadeloupéenne désabusée (d’ailleurs mal-aimée par sa belle-famille en raison de ses yeux bleus qui leur évoquait les traits d’une sorcière) ; ce jeune homme n’aura pas non plus la vie rose. Passé une première période de sa vie où il avait l’impression que tout lui souriait, il connaîtra la guerre, l’exil puis le chagrin inhérent à la perte d’être chers. Il en deviendra presque cynique. Adopter la petite de Reinette sera sa bouée de secours. Il entretiendra une relation assez particulière avec sa mère qui lui apparaitra régulièrement en songe, surtout pour désapprouver ses choix.

Fouad, réfugié Palestinien à Beyrouth, se construira une seconde vie à Haïti après avoir quitté le Liban où il était victime de maltraitance par son beau-père et la famille de ce dernier. Après quelques déboires amoureux, il réussira à tirer son épingle du jeu et à mener sa barque dans l’environnement fait de désolation qu’était devenue Haïti. Il sera celui qui accueillera les deux compères de Guadeloupe à leur arrivée. Il demeurera également l’allié de Babakar jusqu’à la fin du récit.

Enfin, les sœurs Ovide, Reinette et Estrella, nous donneront l’occasion d’en apprendre un peu plus sur l’histoire politique d’Haïti, en tout cas pour ma part. L’une était plutôt révolutionnaire tandis que l’autre ne comprenait pas pourquoi on s’en était pris à leur famille, notamment leur père apparenté à Simone Ovide. J’ignorais complètement les noms tels que Duvalier (« Baby Doc » ; François Duvalier), Ovide et consorts. J’avais une vague idée de l’implication des États-Unis dans la politique d’Haïti. Mais après ma lecture, je suis allée me renseigner. Je ne dirai pas que je sais tout aujourd’hui mais je me couche moins « bête » depuis ma lecture.

Par ailleurs, l’œuvre de Maryse Condé dépeint de façon plus globale ce qui peut arriver à un pays lorsqu’un groupuscule n’en fait qu’à sa tête et/ou ne pense qu’à ses intérêts. La guerre qu’a connu Babakar avait pour source une brusque querelle entre Nordistes et Sudistes du pays. Bien sûr, les innocentes victimes n’étaient pas prises en compte. Et quant à Haïti, un seul individu a décidé de se déclarer président à vie, menant une politique dictatoriale avec passation de son pouvoir à son fils à sa mort ; sans prendre en compte les intérêts du peuple. Puis après l’on se demande pourquoi ce dernier se soulève.

Bref, cette lecture fut un cours d’histoire associé à une belle ode à l’amitié et une immersion dans l’atmosphère Haïtienne où font malheureusement rage violence arbitraire, corruption et misère sociale depuis la révolution. Le tout une zone géographique propice aux catastrophes naturelles. Mais il s’agit également d’une terre, d’un peuple qui continue à avancer, malgré tout ce qui lui tombe ou lui est tombé dessus. Bien que le ton soit souvent triste, j’ai trouvé l’écriture belle et marquante. Je vous le recommande et me demande si je ne vais pas le relire, maintenant que j’en sais un peu plus sur l’histoire Haïtienne. Il est disponible ici en tout cas.

Maryse Condé confirme son talent et je suis déjà à la recherche de la prochaine œuvre de sa bibliographie que je lirai.

Je vous dis à bientôt pour un nouvel article.

Prenez soin de vous.

Bisous.

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A PROPOS

La lecture m’accompagne au quotidien depuis quasiment mon enfance. Passionnée par les auteurs Africains, Afro-descendants et des minorités en général, je ne m’empêche pas d’explorer d’autres horizons lorsque j’en ai envie ou lorsqu’on me le propose. Depuis plus de 5 ans, je partage mon ressenti et mes avis aussi bien par ici que sur Instagram, Facebook et Twitter. Bienvenue, j’espère que la visite vous plaira et n’hésitez pas à me suivre sur mes réseaux sociaux pour plus d’échanges autour des livres. Annette.

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