Bonjour/bonsoir les amis,
J’espère que vous allez bien 🙂 Mes examens sont terminés et je reviens avec un nouvel article.
L’histoire
Okonkwo, jeune homme Ibo (une ethnie du Nigeria) menait une vie paisible dans son village Umofia : fermier prospère, époux de trois femmes et père de huit enfants, il était respecté et craint de tous. Sa vie reposait sur un ensemble de traditions et de coutumes qu’il s’appliquait à suivre avec un profond sens du devoir qui allait au-delà des sentiments contradictoires qui pouvaient s’emparer de lui par moment. Puis arrivèrent les missionnaires/colons et l’équilibre d’Okonkwo vola en éclats.
Chinua Achebe, à travers ce récit qui est l’une de ses œuvres les plus connues (si ce n’est la plus connue), nous immerge dans quelques aspects dans la vie d’une société précoloniale et nous met face au conflit de cultures qui vit le jour lors de l’arrivée des colons.
L’auteur et le livre
Chinua Achebe, initialement Albert Chinualumogu Achebe, est un écrivain nigérian né à Ogidi (Est du Nigeria) en 1930 dans une famille chrétienne Ibo/Igbo. Bon élève, il obtient une bourse qui lui permet de poursuive ses études jusqu’à l’université. Plus tard, il fut journaliste et éditeur (travailla à la NBC), prit part à la guerre du Biafra (1967-1970) en soutenant la sécession puis fut professeur d’université au Canada, aux Etats-Unis et au Nigeria.
En 1990, il se retrouva en fauteuil roulant après un accident. Il fut récompensé en 2007 par le Man Booker International Prize pour ses œuvres et il décéda le 21 mars 2013 dans un hôpital à Boston.
Tout s’effondre (Things fall appart en VO) fut publié pour la première fois en 1958. Il a été traduit en une cinquantaine de langues et vendu à des dizaines de millions d’exemplaires. Il représente l’œuvre principale de Chinua Achebe et continue jusqu’à ce jour à être lu/relu à travers le monde. Je l’ai connu sous sa première traduction « Le Monde s’effondre » que je n’avais pas pu lire au lycée mais il n’est jamais trop tard J. Parmi ses autres œuvres, l’on peut citer Les Termitières de la savane (Anthills of the Savannah) ou Le Malaise (No Longer at Ease). (Sources : Wikipédia et Babelio).
Tout s’effondre fait 221 pages et est scindé en trois parties. L’écriture est de taille moyenne et la lecture est aisée.
Mon ressenti
Pour être honnête, cela fait plus d’un an que je l’ai lu, et donc mes impressions ne sont plus si « fraîches » que cela. Eh oui, mon ordre de publication ne suit pas forcément mon ordre de lecture, haha. Bref, je me suis replongée dedans et j’ai quand même des choses à dire. Cela sera un peu long (comme quand je parle de littérature Afro de toute façon), donc préparez vous 🙂
En premier, l’on a le personnage d’Okonkwo. Tantôt on l’apprécie, tantôt on le déteste (je pense que les moments passés à râler après lui sont quand même plus nombreux). Fier, sûr de lui et de ses traditions, il ne laisse aucune place aux sentiments/émotions. Pour lui, la société est assez binaire avec une place pour les hommes et une autre pour les femmes. Les hommes n’ont pas à ressentir d’autres émotions que la colère ou à minima la joie/le contentement, sinon ils ne sont pas forts. Et les femmes n’ont rien à avoir à faire avec les affaires de la communauté qui sont censées être gérées par les hommes.
Encore une fois, on en revient à ce traitement injuste des femmes. Je parle beaucoup de la cause féminine sur mon blog mais c’est justement parce que c’est trop récurrent et que j’estime que les femmes ont le droit de s’exprimer et de prendre part à la vie de société autant que les hommes. Mais pour une fois, je vais prendre la « défense » des hommes.
Messieurs, vous avez le droit de ressentir des choses, de vous sentir tristes ou dépassés par les situations que vous vivez. Autant les femmes ont longtemps été éduquées pour avoir le « rôle faible », autant les hommes l’ont été pour rester « forts ». De façon générale dans le monde, l’homme est le chef de famille, celui qui prend les décisions et qui n’a presque pas droit à l’erreur. Les larmes ne sont pas autorisés ou alors en cachette. Mais après tout, nous sommes humains avant d’être homme ou femme.
Il faudrait que dans le futur, nous puissions arriver à un modèle où les gens ne sont plus parqués dans des cases à cause de leur sexe. Certes les hommes et les femmes restent différents sur le plan physiologique et ont des rôles donnés au regard de la biologie mais en tant que humain, en tant que personne avec des émotions, je ne vois pas pourquoi l’on ferait des différences jusqu’à rejeter quelqu’un parce qu’en tant que garçon/homme il se laisse aller à ses émotions (il y a un juste milieu à tout autant pour l’homme que pour la femme) comme ce fut le cas de Nwoye le fils d’Okonkwo qui fut à maintes reprises sermonné par son père pour sa « faiblesse ».
Deuxième point que j’aimerais développer, il s’agit des Egwugwu. Chinua Achebe en parle dans son œuvre comme de divinités venant du monde des défunts résoudre les problèmes de la communauté ou assister aux funérailles d’une personne importante pour celle-ci.
Les Egwugwu, Egun-gun (Egun), Kluto ou Kouvito au Bénin prennent leur origine dans la culture Yoruba, un peuple massivement présent au Bénin et au Nigéria. Selon l’histoire, le vrai Egun vient d’Oyo au Nigéria. Ils se seraient retrouvés au Bénin grâce à Guézo, roi du Dahomey (ancien nom du Bénin) au 19e siècle. Celui-ci aurait ramené des esclaves du Nigéria dont l’un d’entre eux avait le pouvoir de faire sortir les Egun-gun de terre. Ainsi le roi Guézo changea le statut de ces esclaves et choisit la ville d’Ouidah comme berceau des Egun-gun.
Il s’agit d’Ancêtres divinisés d’une collectivité (autre nom : Tohio au Bénin) ou d’une famille. Ils font le lien entre le monde des vivants et celui des morts pour résoudre les problèmes de la communauté mais aussi pour divertir. C’est une divinité puissante et très vénérée. De nombreuses lois entourent ces divinités : leur couvent est interdit aux personnes non initiées et aucun homme ne doit voir leur visage ni les toucher sous peine de mort.
Parés de tissus variés, richement décorés et de masques, ils font des sorties périodiques pour célébrer et invoquer les morts, plutôt durant la saison sèche avant la pluie, au cours d’une fête qui s’appelle le Odun Egun. En dehors de ces sorties périodiques, les collectivités peuvent solliciter leur sortie pour certaines occasions allant de la naissance à la mort.
Ils exercent diverses danses acrobatiques et tours de puissance, ne sont présents que le jour et le soir laissent la place à d’autres divinités. Ils sont assez impressionnants. J’en ai vu pour la première fois avant même d’avoir dix ans parce que nos voisins béninois en avaient convié pour des funérailles qui se tenaient juste devant leur maison. Ainsi j’ai pu les observer de loin dans leurs tenues fascinantes mais aussi effrayantes. Et quelque chose que je ne comprenais pas c’était le fait qu’ils couraient après certains enfants et les « frappaient ». Bon, chers amis Béninois, si certains d’entre vous peuvent m’expliquer pourquoi, je suis preneuse 🙂 Sentez vous libres également de me corriger si j’ai omis des choses ou commis des erreurs.
Ceci n’est qu’un aperçu de la diversité culturelle et religieuse dont dispose le continent Africain. Chaque peuple ayant sa façon de faire et de voir le monde. Il est à noter quand même la notion récurrente de la présence des Ancêtres dans le quotidien des gens. Pour beaucoup de ceux qui pratiquent encore les religions Africaines authentiques (au Togo, Bénin avec le Vôdou par exemple), les Ancêtres font le lien avec l’au-delà et sont des intermédiaires pour communiquer avec un Etre suprême, un peu comme les Saints chez les catholiques. Ce n’est pas du polythéisme comme on voudrait le faire croire aux gens. De ce fait, il n’y a pas à voir quoi que ce soit de bizarre ou de malsain là-dedans.
Enfin pour terminer, le conflit des cultures, la colonisation, les missionnaires. L’arrivée des colons/missionnaires a été vécu par les villageois d’Umofia comme une agression (bon pas par tous mais quand même). Ceci dit, c’était une agression, il n’y a aucun autre mot pour le décrire. Imaginez que quelqu’un débarque chez vous et vous dise que tout ce à quoi vous avez toujours cru est faux, diabolique et vous impose sa langue et ses mœurs… vous crieriez au scandale et pourtant c’est ce qu’il s’est passé et cela « a marché » pour diverses raisons. Dans le livre, parmi le nombre grandissant des adeptes, l’on retrouvait essentiellement les femmes et les enfants ce qui à mon avis s’expliquait par le fait que dans leur société (du moins telle que décrite dans le livre), ceux-ci étaient vus comme « inférieurs » ou ne prenaient pas part aux décisions des Anciens.
Et donc même lorsque quelqu’un débarque et leur dit d’abandonner leurs cultures au profit d’un Dieu qui les aime, qui les estime et qui ne les rejettera jamais, eh bien certains plongent. Au fond, certaines personnes ne demandent qu’à être aimées, écoutées et comprises. Je ne dis pas que c’est de notre faute si nous avons été colonisés mais plutôt que les colons ont su exploiter certaines failles à l’époque, notamment en jouant sur le mental des gens (en plus de la force bien évidemment). C’est ainsi que Nwoye, le fils d’Okonkwo décida de quitter le village et de changer de nom, n’étant pas d’accord avec certaines pratiques critiquables de sa communauté. Retirez à quelqu’un son sens critique, jouez sur ses sentiments et vous êtes sûrs de pouvoir en faire ce que vous voulez.
Jusqu’à aujourd’hui, bon nombre de pays Africains payent encore le prix de la colonisation et des missions évangélisatrices. Faire cohabiter des ethnies qui ne le faisaient pas avant entre des frontières délimitées au hasard et essayer d’y instaurer un système politico-économique qui n’était pas le leur, ce qui aboutit à des révoltes, à des « troubles intérieurs » parfois sanglants ou encore séparer des familles qui se retrouvent maintenant d’une part et d’autre de la frontière, « éradiquer » les langues nationales au profit de celles des envahisseurs (vous imaginez, on vous interdisait de parler votre propre lange chez vous !) telles sont les actions/séquelles de la colonisation.
Quant aux missions évangélisatrices, chacun est libre de croire en ce qu’il/elle veut mais la religion fait partie de la culture et de la construction d’une société. Aujourd’hui, les « nouvelles églises » remplissent le paysage de nombreux pays ex-colonisés. Les gens dépensent parfois une fortune parce qu’un pasteur a dit ceci ou cela. D’autres crachent sur les religions traditionnelles. Encore une fois, chacun est libre de choisir sa religion mais avant d’en pointer une du doigt, il faudrait s’assurer de la connaitre d’abord et voir comment elle impacte la construction de la société.
Pour finir, bien sûr, la colonisation a fait des dégâts mais c’est à nous de construire notre continent. C’est à nous de préserver nos richesses, de les valoriser et de les exploiter, je ne le dirai jamais assez. La route est longue mais je garde espoir. Les moyens sont infinis, il suffit de se creuser un peu les méninges. Pour ceux qui ne sont pas concernés (ou qui ne se sentent pas concernés), j’espère que vous comprendrez que ce n’est pas de la victimisation. Et même si ce n’est pas le cas, bah tant pis pour vous 😛
Je vais m’arrêter ici pour cet article. J’espère vous avoir appris des choses. Je mettrai à la fin les liens qui m’ont servi pour écrire la partie sur les Egun-gun. D’ailleurs les Béninois qui passeront dans le coin (ou tout autre personne qui s’y connaitrait), n’hésitez pas à commenter et m’en dire plus sur les Egun-gun ici ou sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook et même Instagram). Et pour les autres, partagez un peu les pratiques religieuses de chez vous, qu’on en apprenne un peu plus les uns des autres 😉
Le lien pour se l’acheter est par ici. C’est un must-have de la littérature Africaine Noire. Sur ce, prenez soin de vous et je vous dis à bientôt pour un nouvel article.
Bises.
Sources:
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