Amkoullel, l’enfant peul – Les Mémoires I de Amadou Hampâté Bâ

Le livre et l’auteur

Amadou Hampâté Bâ, auteur, historien, conteur d’origine Malienne, né au début du XXe siècle à Bandiagara (Mali) évoque avec ce premier livre une partie de sa vie, de sa naissance jusqu’à son départ vers de nouveau horizons en tant qu’employé de l’administration coloniale. Avec sa mémoire remarquable et ses connaissances étendues, il nous emmène sur les traces du royaume Toucouleur, dans les coulisses des conflits entre les chefferies locales de la région de la Boucle du fleuve Niger, les circonstances de sa naissance, de son enfance, jusqu’aux premiers pas de la colonisation dans la région.  

A travers ce récit, c’est toute une vie qui nous est contée avec un mélange d’histoire, d’anthropologie, d’aventures humaines toutes plus intéressantes les unes que les autres. Avec ce premier tome, c’est le parcours d’un des plus grands auteurs de la littérature Africaine que l’on voit se dessiner.

Editions : J’ai Lu

Pages : 446

Pour faire une brève historique, Amadou Hampâté Bâ est né vers 1900 à Bandiagara (Mali) de deux parents peuls, appartenant initialement à deux lignées différentes. Son père Hampâté Bâ était un « vrai » peul tandis que sa mère Kadidja Pâté Poullo Diallo, bien que fille d’un peul, est rattachée au peuple des Toucouleurs étant donné que son père (donc grand-père d’Amadou) avait quitté les siens pour rejoindre l’armée d’El Hadj Omar (chef des Toucouleurs, jadis peuple du pays nommé Fouta Toro Sénégalais, constitué majoritairement de peuls mais aussi d’autres ethnies comme les Sérères, les Wolofs ou les Soninkés).

Peu avant la mort de son père, Amadou Hampâté Bâ sera adopté par le second mari de sa mère, Tidjani Amadou Ali Thiam, chef Toucouleur d’une province du royaume. Après une éducation coranique auprès de Tierno Bokar qui deviendra son maitre spirituel à l’avenir, il fréquentera l’école française de Bandiagara avant de poursuivre ses études à Djenné puis à Kati, deux autres communes du Mali.

A partir des années 1920, après un refus d’intégrer l’Ecole Normale de Gorée, il sera muté à Ouagadougou (Burkina Faso) où il sera embauché comme fonctionnaire de l’administration coloniale. Au cours des dix années environ qui suivront, il sera le spectateur de la machinerie coloniale ainsi que des injustices dont elle pouvait être responsable tout en essayant de faire au mieux pour les empêcher.

Déjà au cours de ces années, il se passionnera pour l’histoire des divers peuples Africains et de leurs cultures qu’il essaiera tant qu’il pourra de retranscrire par écrit. Il sera affecté à l’Institut Français d’Afrique Noire en 1942 où il mènera des enquêtes ethnologiques. Il fondera en 1961 l’Institut des Sciences Humaines à Bamako et travaillera un temps pour l’UNESCO.

Il passera ses dernières années à Abidjan où il se consacrera à ses travaux de recherche et d’écriture. C’est ainsi que verront le jour ses mémoires Amkoullel, l’enfant peul (1991, année de son décès) et Oui, mon commandant ! (1994). Il aura reçu au cours de son vécu plusieurs distinctions qui se sont poursuivies même après son décès. Son héritage est immense et il mérite bien l’appellation de « vieillard-bibliothèque ». (Sources : Wikipédia et Babelio).

Mon ressenti

Tout comme j’avais apprécié le premier livre de cet auteur Contes Initiatiques Peuls, j’ai beaucoup aimé ce récit reprenant sa vie depuis sa naissance jusqu’à ses débuts en tant que fonctionnaire de l’administration coloniale. Amadou Hampâté Bâ possède un réel don en tant que conteur, historien et sa vie se déroule de façon aussi fluide qu’un fleuve suivant son cours sous nos yeux. Les informations contenues dans ce récit sont tellement foisonnantes que je ne pourrai pas toutes les aborder dans cet article. D’ailleurs, le but n’est pas de spoiler le livre mais plutôt de vous donner un avis qui vous inciterait ou non à le lire. Je reviendrai donc seulement sur les points qui m’ont marqué et qui m’ont fait apprécier ma lecture.

Dès les premières pages, avant même d’introduire ses parents, Amadou Hampâté Bâ dresse le contexte historique entre Peuls et Toucouleurs. Ces deux peuples bien qu’ayant des éléments en commun se feront la guerre pendant un temps jusqu’à la victoire des Toucouleurs qui mettront la main sur la région de la boucle du Niger. Pour moi qui souhaitais depuis un moment en apprendre un peu plus sur l’histoire de l’Afrique de l’Ouest, je fus servie. Cependant, il est à noter que le nom des divers protagonistes se ressemblent beaucoup, les événements historiques s’enchaînent et à la fin, il est assez difficile de savoir qui est qui et qui a fait quoi. Pour ma part, même si au début, cela m’embêtait un peu, j’ai décidé de ne pas y accorder plus d’importance que cela tant que cela ne m’empêchait pas de suivre le cours de l’histoire de l’auteur. Ainsi, je planifie de le relire assez vite pour mieux fixer certaines des notions historiques que j’ai eu du mal à cerner.

Ensuite, au cours de l’enfance d’Amadou, il est intéressant de constater qu’il ne sera pas éduqué uniquement par ses parents mais aussi par d’autres personnes appartenant à sa famille. C’est un peu comme s’il « appartenait » à la communauté. Et ce phénomène est assez répandu dans pas mal de pays d’Afrique Noire. Il s’agit de transmettre des valeurs communes à l’enfant et tout adulte de la famille se sent quelque part légitime d’intervenir dans son éducation. Dans le cas d’Amadou, il n’eut aucun souci avec cet état des choses mais parfois ce système peut connaitre des dérives avec des adultes qui abusent de leur pouvoir et malmènent ces enfants qui leur sont implicitement confiés.

Puis viendra le moment où Amadou se mettra en route pour l’Ecole des Blancs, occasion de pointer du doigt le fait qu’à l’époque, les autochtones devaient apprendre la langue du colon et avaient pour interdiction de parler la leur lorsqu’ils étaient dans les locaux de l’Ecole. Ainsi, ces jeunes enfants étaient polyglottes mais on leur retirait le droit de considérer leur langue comme une langue digne d’être parlée au même titre que celle des Blancs. Malheureusement, ce phénomène existe encore de nos jours où le Français est la langue officielle parlée dans les administrations, les institutions de nombreux pays d’Afrique Noire dits « Francophones » avec pour interdiction dans les écoles (je l’ai connu) de parler sa langue, même pendant la récréation…

Puis viendra le moment où Amadou Hampâté Bâ en apprendra un peu plus sur les colons. Et avec les membres de sa communauté, se dessineront certaines fissures dans l’image qu’ils pouvaient tous avoir de ces gens à « peaux allumées » (terme employé dans le livre). Ainsi, pour ceux ayant été enrôlés pour la 1ère guerre mondiale par exemple, ils se rendront compte que les Blancs sont tout aussi mortels qu’eux, qu’ils ont des comportements tout aussi humains qu’eux, qu’ils ne représentent rien d’autre que de la main d’œuvre pour ces derniers et qu’ils s’en fichent de leurs réels problèmes…

Après les paragraphes précédents, il peut sembler que le récit tourne autour de l’occupation coloniale dans la région mais il n’en est rien. Bien que leur présence soit progressivement croissante au fil des pages, l’on suit plus souvent Amadou dans sa vie de tous les jours et l’on va de découvertes en découvertes. Ses jeux d’enfance, son éducation coranique auprès de Tierno Bokar, la tolérance religieuse qui lui est apprise, son intérêt pour les cultures et savoir-faire des autres peuples, et bien d’autres éléments qui font de ce livre une vraie pépite, une mine d’informations considérable avec une place spéciale laissée à l’oralité 😊  

Comme mentionné plus haut dans l’article, je ne pourrai pas aborder toutes les informations contenues dans le récit (au risque d’en écrire un trop long) et je ne souhaite pas trop en dévoiler pour laisser ceux qui le veulent, le découvrir par eux-mêmes. Cet article se termine donc ici. Je me répète mais je ne peux que vous conseiller de lire Amkoullel, l’enfant peul (ne serait-ce d’ailleurs que pour apprendre la raison derrière le nom « Amkoullel » 😉). Il peut être lourd à lire par moments mais rien n’empêche de revenir dessus après une première lecture afin de mieux s’en imprégner.

Le livre est disponible ici. On se retrouve bientôt pour un nouvel article. D’ici là, portez vous bien.

Bisous.



4 réponses à « Amkoullel, l’enfant peul – Les Mémoires I de Amadou Hampâté Bâ »

  1. […] – et je pense être passée à côté d’autres références – tels que Maya Angelou ; Amadou Hampâté Bâ ; Albert Camus ; Gabriel Garcia Marquez ; Raphaël Confiant ; Ferdinand Oyono ; Sembène […]

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  2. […] Amkoullel, l’enfant peul et Oui, mon commandant! – Amadou Hampâté Bâ. Ces deux livres retracent la vie de ce grand auteur de son enfance à sa prise de fonction en tant qu’employé de l’administration coloniale. On ne peut que saluer le talent d’historien/conteur de cet homme. Un article paraîtra en 2019, assez tardivement pour des raisons que j’évoquerai plus bas dans l’article mais j’en parlerai à coup sûr 🙂 […]

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  3. […] un « grand Homme » (articles sur les mémoires de Amadou Hampâté Bâ disponibles ici et ici). C’est assez intéressant de remarquer à quel point il est vrai qu’une histoire a […]

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  4. […] article s’inscrivant dans la continuité du précédent Amkoullel, l’enfant peul, je ne reviendrai pas sur la biographie de l’auteur qui y est […]

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A PROPOS

La lecture m’accompagne au quotidien depuis quasiment mon enfance. Passionnée par les auteurs Africains, Afro-descendants et des minorités en général, je ne m’empêche pas d’explorer d’autres horizons lorsque j’en ai envie ou lorsqu’on me le propose. Depuis plus de 5 ans, je partage mon ressenti et mes avis aussi bien par ici que sur Instagram, Facebook et Twitter. Bienvenue, j’espère que la visite vous plaira et n’hésitez pas à me suivre sur mes réseaux sociaux pour plus d’échanges autour des livres. Annette.

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